Daniel Thentz
1964 - 2011
1964 - 2011
C’est l’histoire d’une passion pour le jazz qui s’achève trop
tôt. Daniel Thentz est mort brutalement, samedi dernier, à l’âge de 46
ans, des suites de complications liées à son état de santé fragile. Une
passion qui l’habite dès ses plus jeunes années puisque le petit Daniel
fâchait déjà son paternel en cassant des vinyles alors qu’il cherchait à
poser ses 78 ou 45 tours sur le gramophone familial à Cully. Plus
activement, il s’improvise aussi batteur sur tous supports avant de
commencer l’étude du bugle et de la trompette à 13 ans.
Quelques années plus tard, il descend d’Epesses par les vignes en compagnie d’Emmanuel Gétaz après y avoir organisé une soirée jazz. Les compères se mettent en tête de monter un petit événement du genre à Cully. Ils ont à peine 18 ans lorsque la première édition du Cully Jazz – dans une version très modeste dotée d’un budget de 7000 francs! – ouvre ses portes en 1983. Tout le monde a mis la main à la pâte, à commencer par les partenaires de foot du duo. De gardien à centre-avant, Daniel Thentz fréquentait le gazon malgré ses problèmes d’asthme. Le programmateur déjà érudit se réserve la scène pour son groupe Jazzistic avec Yvan Ischer et Ivor Malherbe.
Le Cully Jazz grandit vite, s’étoffe et gagne en renommée. Des démêlés avec le festival lui feront quitter le navire au début des années 1990, mais Daniel Thentz continuera l’aventure de programmateur au club Chorus et au Festival de la Cité où il avait aussi fait jouer son dernier groupe en date, Swing Machine. Au cours de sa carrière de musicien, il avait occasionnellement joué avec George Benson, Daniel Humair, Tommy Flanagan ou Cedar Walton. (24 Heures)
Quelques années plus tard, il descend d’Epesses par les vignes en compagnie d’Emmanuel Gétaz après y avoir organisé une soirée jazz. Les compères se mettent en tête de monter un petit événement du genre à Cully. Ils ont à peine 18 ans lorsque la première édition du Cully Jazz – dans une version très modeste dotée d’un budget de 7000 francs! – ouvre ses portes en 1983. Tout le monde a mis la main à la pâte, à commencer par les partenaires de foot du duo. De gardien à centre-avant, Daniel Thentz fréquentait le gazon malgré ses problèmes d’asthme. Le programmateur déjà érudit se réserve la scène pour son groupe Jazzistic avec Yvan Ischer et Ivor Malherbe.
Le Cully Jazz grandit vite, s’étoffe et gagne en renommée. Des démêlés avec le festival lui feront quitter le navire au début des années 1990, mais Daniel Thentz continuera l’aventure de programmateur au club Chorus et au Festival de la Cité où il avait aussi fait jouer son dernier groupe en date, Swing Machine. Au cours de sa carrière de musicien, il avait occasionnellement joué avec George Benson, Daniel Humair, Tommy Flanagan ou Cedar Walton. (24 Heures)
Daniel - Cully Jazz 2006
Jean-Louis Bolomey
Tu te rappelles, cher Daniel, notre première rencontre ? Tu te foutais de la gueule de ce vaudois à cinq sous qui avait un accent de n'importe où...? Et puis, lentement, la confiance est devenue notre amie, une vraie amie.
Une fois on buvait des verres ensemble ( du blanc, bien sûr ) à Cully et je t'avais raconté des choses concernant le Plan Robert. T'étais surpris, et t'avais lancé : "Eh ben, comment tu sais tout ça ? Là, t'es quand-même vaudois !" Il fallait, mon ami, le vin de chez nous pour que tu puisses m'accepter comme vaudois. Et depuis, tu n'as jamais plus parlé de mon accent !
Je t'avais engagé plusieurs fois pour jouer à Vevey - et je n'ai jamais signé un contrat avec toi, Cher Daniel, parce qu'on se disait qu'entre bon vaudois une poignée de main suffisait. Tu étais comme ça - tu exigeais la confiance et tu donnais ta confiance à tes amis.
Mais, une fois j'ai vu un contrat que t'avais signé. Et la dernière ligne était notre Thentz craché : "Le trompettiste boit que du blanc"....
Tu laisse un vide autour de toi qui restera incompréhensible. Ta mort était si inutile...
Tu te rappelles, cher Daniel, notre première rencontre ? Tu te foutais de la gueule de ce vaudois à cinq sous qui avait un accent de n'importe où...? Et puis, lentement, la confiance est devenue notre amie, une vraie amie.
Une fois on buvait des verres ensemble ( du blanc, bien sûr ) à Cully et je t'avais raconté des choses concernant le Plan Robert. T'étais surpris, et t'avais lancé : "Eh ben, comment tu sais tout ça ? Là, t'es quand-même vaudois !" Il fallait, mon ami, le vin de chez nous pour que tu puisses m'accepter comme vaudois. Et depuis, tu n'as jamais plus parlé de mon accent !
Je t'avais engagé plusieurs fois pour jouer à Vevey - et je n'ai jamais signé un contrat avec toi, Cher Daniel, parce qu'on se disait qu'entre bon vaudois une poignée de main suffisait. Tu étais comme ça - tu exigeais la confiance et tu donnais ta confiance à tes amis.
Mais, une fois j'ai vu un contrat que t'avais signé. Et la dernière ligne était notre Thentz craché : "Le trompettiste boit que du blanc"....
Tu laisse un vide autour de toi qui restera incompréhensible. Ta mort était si inutile...
Yvan Ischer
Comme vous tous, j’ai l’impression d’être dans un mauvais rêve, d’avoir poussé la mauvaise porte, celle du faux théâtre, là où se joue une pièce dramatique qu’on n’aurait jamais voulu choisir de voir. On nous a dit des choses, donné des nouvelles qu’on ne parvient pas à croire, qu’on n’arrive pas à digérer, ni à intégrer vraiment… Et pourtant…
Nous sommes tous là, hébétés par tant d’incrédulité devant une fatalité qui ne nous apparaît en tout cas ni juste, ni normale…
Parce que si certaines personnes s’échappent discrètement, c’est une mission bien impossible pour Notre Daniel, qui était une manière de symbole de partage, de générosité et d’amitié.
Et pour passer son message, il avait choisi un instrument qui n’est pas anodin : la trompette ! L’instrument des rois ! L’instrument des leaders ! De ceux qui veulent conquérir le monde à la force des pistons… et le monde, en Vaudois, vous le savez, ça se dit « Lavaux ! »
Parce que ce qu’il voulait, Daniel, c’était conquérir SON monde… celui qu’il s’était choisi, celui qu’il révérait par-dessus tout… son… notre coin de pays !
Alors après, qu’importait de jouer plus vite, plus haut, plus fort que n’importe qui ? Il fallait pouvoir honnêtement délivrer sa propre chanson… Il fallait pouvoir offrir de la musique à l’autre et en faire avec des amis, des vrais, qui pouvaient changer de temps à autre, au gré des chemins, parce que les musiciens sont comme les fruits de la vigne, ils mûrissent et se développent en fonction des saisons… et certains ceps poussaient parfois de manière un peu bancale… il en va de la musique comme du vin, certains millésimes sont moins gouleyants que d’autres… ce qui implique que certaines années sont tellement meilleures et satisfaisantes qu’elles font oublier la rare piquette et la triste grêle des mauvaises années, de toute manière beaucoup plus rares…
Parce que la chanson de Daniel, nourrie de ses maîtres de cœur, était débordante de naturel, d’enthousiasme et de partage, avec comme finalité la réunion a posteriori des acteurs et des auditeurs, qui pouvaient alors redonner au monde ses vraies couleurs autour de la table des interminables discussions… des couleurs qu’on devrait toujours rechercher… celles de l’amour du beau et du vrai…
Et à ce titre, Notre Trompettiste de cœur était un vrai baladin… sa trompette se voulait dépositaire des chansons de geste de ses héros… avec elle, à travers elle, il voulait raconter leur vie, il voulait dire l’importance viscérale qu’il leur attribuait, l’allégeance qu’il leur prêtait, l’admiration qu’il leur portait… il voulait dire à chacun que ce qui le mouvait et l’émouvait au plus haut point, c’était la puissance de Freddie Hubbard, les notes étranglées de Lee Morgan, les volutes de Tom Harrell et, bien sûr, les belles envolés de ses glorieux prédécesseurs d’ici, Monmond en tête… et naturellement, cette passion pour le jazz n’aurait jamais été aussi intense si son papa ne lui avait pas appris à aimer les moindres solos de Clifford Brown en les lui chantant et en lui apprenant la rigueur des 4/4… il s’en souvenait et en parlait souvent avec émotion !
Et puis… Daniel avait ses marottes, ses tics et ses tocs… parmi lesquels un lascar bien particulier qui était pour lui Dieu fait Musicien… Oh rassurez-vous ! Pas de blasphème ni de crise de foi ici… parce que quand on a sa propre croyance intérieure, rivée au cœur et à l’âme par la grâce d’une passion indéfectible, fût-elle artistique, on peut tout se permettre ; et on n’a plus trop ni le temps ni le besoin de sacrifier à toute la codification obligée de l’appareil traditionnellement religieux… Daniel était donc – et pardonnez-moi, Saint Satchmo, Saint-Duke, Saint-Miles ou même Saint-Monk, mais j’en suis un autre ! – totalement en symbiose avec les divinités d’une musique qui lui parlait à chaque seconde de sa vie… ils étaient innombrables et omniprésents, inspirants et galvanisants…
Et puis, parmi ceux-ci… un pianiste-compositeur occupait une place à part dans son Panthéon. Il s’appelle Cedar Walton et fut l’invité extraordinaire de quelques-unes des plus mémorables éditions du Festival, voici quelques lustres… Le 29 novembre dernier, une petite rencontre avait été organisée – à son insu – avec Cedar à la Spirale de Fribourg. Ils ne s’étaient pas vus depuis une bonne quinzaine d’années et leurs retrouvailles furent magnifiques. Cedar a d’ailleurs commencé son concert ce soir-là par « Bolivia », un morceau qu’il savait que Daniel aimait tant jouer, en faisant une annonce adorable pour son vieux pote de Cully… Prononcé naturellement « Cou-illy »…
Et nous y voilà… parce que s’il faut que ce soit dit un jour, c’est évidemment et malheureusement bien aujourd’hui qu’il faut le dire : s’il n’y avait pas eu de Daniel, il n’y aurait pas eu, et il n’y aurait certainement pas de Festival de Jazz de Cully. Il en fut l’âme et l’utopiste, celui qui avait rêvé d’offrir à ses potes du village les plus grands noms de son monde, avec une absence de complexes et une prise de risques parfois délirante.
Il embarqua l’équipe de base dans ses fantasmes et très vite, les grands noms se succédèrent, les stars – même les Stars of Faith, et dans CE Temple ! – débarquèrent tout étonnés de leurs vans ou de leurs limousines, pensant trouver pour leur escale helvétique une salle de concert de taille américaine et imposante… Et ce qu’ils trouvaient était une salle de village, mais avec un paysage à couper le souffle et un accueil qui fut de tout temps exceptionnel !
Parce qu’au fil des ans, de magnifiques équipes de bénévoles et de passionnés emboîtèrent le pas de l’équipe des débuts, jusqu’à former une famille extraordinaire, puisque les organisateurs sont désormais souvent les enfants des pionniers de la première heure, vingt-neuf ans plus tard… Et pour ceux qui étaient là à la première heure, c’est une situation très émouvante…
Il y aurait mille et une anecdotes savoureuses, drôles, tendres, à raconter… des histoires rigolotes, délicieuses, et certaines presque déjà légendaires… et ce ne sont pas nos amis voisins immédiats Potterat qui nous contrediront… mais c’est vrai que tout à l’heure, autour d’un verre de chasselas, Chasse la Tristesse, a-t-on évidemment envie d’ajouter… les langues pourront peut-être mieux se délier et nous permettront d’essayer de croire que demain sera encore possible.
A tes parents, Roland et Andrée, à Ariane, ta sœur, et Mathias, ton neveu, j’aimerais dire merci de nous avoir prêté un garçon unique et extraordinaire, pour qui l’amitié ne s’offrait qu’une fois, et c’était immédiatement la bonne !
Et si ta formidable joie de vivre t’a si tristement fait faux bond, on va tenter de se persuader qu’il n’y avait pas d’autre chemin pour ta sortie de scène…
Daniel, mon p’tit frère, merci d’avoir été celui que tu as été… et puis… fais gaffe !… Ne fais pas la bêtise de ne jouer que des blues en si bémol avec tes potes de nuages… j’ai encore tes vieilles partoches avec le numéro des pistons écrits sous les notes…
Alors, continue à bosser Joy Spring et Boplicity… On finira de toute manière par les rejouer ensemble un jour…
Je t’aime, Dan…
Comme vous tous, j’ai l’impression d’être dans un mauvais rêve, d’avoir poussé la mauvaise porte, celle du faux théâtre, là où se joue une pièce dramatique qu’on n’aurait jamais voulu choisir de voir. On nous a dit des choses, donné des nouvelles qu’on ne parvient pas à croire, qu’on n’arrive pas à digérer, ni à intégrer vraiment… Et pourtant…
Nous sommes tous là, hébétés par tant d’incrédulité devant une fatalité qui ne nous apparaît en tout cas ni juste, ni normale…
Parce que si certaines personnes s’échappent discrètement, c’est une mission bien impossible pour Notre Daniel, qui était une manière de symbole de partage, de générosité et d’amitié.
Et pour passer son message, il avait choisi un instrument qui n’est pas anodin : la trompette ! L’instrument des rois ! L’instrument des leaders ! De ceux qui veulent conquérir le monde à la force des pistons… et le monde, en Vaudois, vous le savez, ça se dit « Lavaux ! »
Parce que ce qu’il voulait, Daniel, c’était conquérir SON monde… celui qu’il s’était choisi, celui qu’il révérait par-dessus tout… son… notre coin de pays !
Alors après, qu’importait de jouer plus vite, plus haut, plus fort que n’importe qui ? Il fallait pouvoir honnêtement délivrer sa propre chanson… Il fallait pouvoir offrir de la musique à l’autre et en faire avec des amis, des vrais, qui pouvaient changer de temps à autre, au gré des chemins, parce que les musiciens sont comme les fruits de la vigne, ils mûrissent et se développent en fonction des saisons… et certains ceps poussaient parfois de manière un peu bancale… il en va de la musique comme du vin, certains millésimes sont moins gouleyants que d’autres… ce qui implique que certaines années sont tellement meilleures et satisfaisantes qu’elles font oublier la rare piquette et la triste grêle des mauvaises années, de toute manière beaucoup plus rares…
Parce que la chanson de Daniel, nourrie de ses maîtres de cœur, était débordante de naturel, d’enthousiasme et de partage, avec comme finalité la réunion a posteriori des acteurs et des auditeurs, qui pouvaient alors redonner au monde ses vraies couleurs autour de la table des interminables discussions… des couleurs qu’on devrait toujours rechercher… celles de l’amour du beau et du vrai…
Et à ce titre, Notre Trompettiste de cœur était un vrai baladin… sa trompette se voulait dépositaire des chansons de geste de ses héros… avec elle, à travers elle, il voulait raconter leur vie, il voulait dire l’importance viscérale qu’il leur attribuait, l’allégeance qu’il leur prêtait, l’admiration qu’il leur portait… il voulait dire à chacun que ce qui le mouvait et l’émouvait au plus haut point, c’était la puissance de Freddie Hubbard, les notes étranglées de Lee Morgan, les volutes de Tom Harrell et, bien sûr, les belles envolés de ses glorieux prédécesseurs d’ici, Monmond en tête… et naturellement, cette passion pour le jazz n’aurait jamais été aussi intense si son papa ne lui avait pas appris à aimer les moindres solos de Clifford Brown en les lui chantant et en lui apprenant la rigueur des 4/4… il s’en souvenait et en parlait souvent avec émotion !
Et puis… Daniel avait ses marottes, ses tics et ses tocs… parmi lesquels un lascar bien particulier qui était pour lui Dieu fait Musicien… Oh rassurez-vous ! Pas de blasphème ni de crise de foi ici… parce que quand on a sa propre croyance intérieure, rivée au cœur et à l’âme par la grâce d’une passion indéfectible, fût-elle artistique, on peut tout se permettre ; et on n’a plus trop ni le temps ni le besoin de sacrifier à toute la codification obligée de l’appareil traditionnellement religieux… Daniel était donc – et pardonnez-moi, Saint Satchmo, Saint-Duke, Saint-Miles ou même Saint-Monk, mais j’en suis un autre ! – totalement en symbiose avec les divinités d’une musique qui lui parlait à chaque seconde de sa vie… ils étaient innombrables et omniprésents, inspirants et galvanisants…
Et puis, parmi ceux-ci… un pianiste-compositeur occupait une place à part dans son Panthéon. Il s’appelle Cedar Walton et fut l’invité extraordinaire de quelques-unes des plus mémorables éditions du Festival, voici quelques lustres… Le 29 novembre dernier, une petite rencontre avait été organisée – à son insu – avec Cedar à la Spirale de Fribourg. Ils ne s’étaient pas vus depuis une bonne quinzaine d’années et leurs retrouvailles furent magnifiques. Cedar a d’ailleurs commencé son concert ce soir-là par « Bolivia », un morceau qu’il savait que Daniel aimait tant jouer, en faisant une annonce adorable pour son vieux pote de Cully… Prononcé naturellement « Cou-illy »…
Et nous y voilà… parce que s’il faut que ce soit dit un jour, c’est évidemment et malheureusement bien aujourd’hui qu’il faut le dire : s’il n’y avait pas eu de Daniel, il n’y aurait pas eu, et il n’y aurait certainement pas de Festival de Jazz de Cully. Il en fut l’âme et l’utopiste, celui qui avait rêvé d’offrir à ses potes du village les plus grands noms de son monde, avec une absence de complexes et une prise de risques parfois délirante.
Il embarqua l’équipe de base dans ses fantasmes et très vite, les grands noms se succédèrent, les stars – même les Stars of Faith, et dans CE Temple ! – débarquèrent tout étonnés de leurs vans ou de leurs limousines, pensant trouver pour leur escale helvétique une salle de concert de taille américaine et imposante… Et ce qu’ils trouvaient était une salle de village, mais avec un paysage à couper le souffle et un accueil qui fut de tout temps exceptionnel !
Parce qu’au fil des ans, de magnifiques équipes de bénévoles et de passionnés emboîtèrent le pas de l’équipe des débuts, jusqu’à former une famille extraordinaire, puisque les organisateurs sont désormais souvent les enfants des pionniers de la première heure, vingt-neuf ans plus tard… Et pour ceux qui étaient là à la première heure, c’est une situation très émouvante…
Il y aurait mille et une anecdotes savoureuses, drôles, tendres, à raconter… des histoires rigolotes, délicieuses, et certaines presque déjà légendaires… et ce ne sont pas nos amis voisins immédiats Potterat qui nous contrediront… mais c’est vrai que tout à l’heure, autour d’un verre de chasselas, Chasse la Tristesse, a-t-on évidemment envie d’ajouter… les langues pourront peut-être mieux se délier et nous permettront d’essayer de croire que demain sera encore possible.
A tes parents, Roland et Andrée, à Ariane, ta sœur, et Mathias, ton neveu, j’aimerais dire merci de nous avoir prêté un garçon unique et extraordinaire, pour qui l’amitié ne s’offrait qu’une fois, et c’était immédiatement la bonne !
Et si ta formidable joie de vivre t’a si tristement fait faux bond, on va tenter de se persuader qu’il n’y avait pas d’autre chemin pour ta sortie de scène…
Daniel, mon p’tit frère, merci d’avoir été celui que tu as été… et puis… fais gaffe !… Ne fais pas la bêtise de ne jouer que des blues en si bémol avec tes potes de nuages… j’ai encore tes vieilles partoches avec le numéro des pistons écrits sous les notes…
Alors, continue à bosser Joy Spring et Boplicity… On finira de toute manière par les rejouer ensemble un jour…
Je t’aime, Dan…
Pierre-Yves Detrey
Un jour, je suis passé te prendre à Cully… C’était il y a bien… Oh ! vingt kilogrammes de moins. Nous devions jouer le lendemain au festival du film de Locarno. L’été était chaud. Le ciel bleu. Nous roulions dans la joie et l’allégresse.
Comme d’habitude, vers midi, tu t’es mis à crier famine… « Je mangerais bien une vache entière » que tu m’as dit en regardant une simmenthal qui passait dans un champ. Là, on s’est décidé pour un pique-nique. Arrêt buffet dans un supermarket de Brigue et nous voilà reparti sur la route direction le Nufenen. Et puis la scie a commencé. Tous les kilomètre : « Quand est-ce qu’on s’arrête, j’ai faim ». Je me suis décidé à nous arrêter avant la montée au col.
On a repéré, en contre bas de la route un terrain de foot au milieu de rien. Juste une buvette fermée avec 3 tables en bois et leurs bancs. Pour le reste, un vrai désert. Là, on s’est mis à festoyer deux salades sous vide, un poulet grillé, une miche de pain et une bouteille de rouquin. Le rouge embarqué au départ de Cully fut surprenant. Manquait juste un peu de cannelle à l’orange, car il devait bien donner dans les cinquante degrés centigrades. Conséquence d’un séjour de quelques heures dans le coffre arrière de ma limousine noire. On a refait le monde autour de la table en bois, les doigts dans la graisse du poulet. On a bu le vin chaud. Toi surtout car moi je devais tenir le volant.
Et puis nous sommes repartis euphoriques. Juste avant le col, tu m’as demandé de stopper le véhicule. Tu as bondi dans un champ, sur un bout de rocher, puis sur un autre… Et encore un autre… Et tu hurlais : « Je suis sûr que je suis le premier être humain à mettre le pied sur ce caillou… Et sur celui-ci… Et sur celui-là ! A peine quelques kilomètres plus loin, tu étais manivellé sur ton siège, anesthésié par notre agape arrosée de vin chaud. Effondré à l’avant du véhicule. Ramonant tes fosses nasales dans un ronflement tonitruant.
La dernière fois que nous nous sommes vu, à la terrasse d’un bistrot veveysan, tu m’as rappelé cette anecdote. « Pierre-Yves, que tu m’as dit, si un jour j’écris un livre, celle-ci y figurera en bonne place, foi de trompettiste » Je ne sais pas si livre il y aura… Mais je te la rends ici.
Un jour, je suis passé te prendre à Cully… C’était il y a bien… Oh ! vingt kilogrammes de moins. Nous devions jouer le lendemain au festival du film de Locarno. L’été était chaud. Le ciel bleu. Nous roulions dans la joie et l’allégresse.
Comme d’habitude, vers midi, tu t’es mis à crier famine… « Je mangerais bien une vache entière » que tu m’as dit en regardant une simmenthal qui passait dans un champ. Là, on s’est décidé pour un pique-nique. Arrêt buffet dans un supermarket de Brigue et nous voilà reparti sur la route direction le Nufenen. Et puis la scie a commencé. Tous les kilomètre : « Quand est-ce qu’on s’arrête, j’ai faim ». Je me suis décidé à nous arrêter avant la montée au col.
On a repéré, en contre bas de la route un terrain de foot au milieu de rien. Juste une buvette fermée avec 3 tables en bois et leurs bancs. Pour le reste, un vrai désert. Là, on s’est mis à festoyer deux salades sous vide, un poulet grillé, une miche de pain et une bouteille de rouquin. Le rouge embarqué au départ de Cully fut surprenant. Manquait juste un peu de cannelle à l’orange, car il devait bien donner dans les cinquante degrés centigrades. Conséquence d’un séjour de quelques heures dans le coffre arrière de ma limousine noire. On a refait le monde autour de la table en bois, les doigts dans la graisse du poulet. On a bu le vin chaud. Toi surtout car moi je devais tenir le volant.
Et puis nous sommes repartis euphoriques. Juste avant le col, tu m’as demandé de stopper le véhicule. Tu as bondi dans un champ, sur un bout de rocher, puis sur un autre… Et encore un autre… Et tu hurlais : « Je suis sûr que je suis le premier être humain à mettre le pied sur ce caillou… Et sur celui-ci… Et sur celui-là ! A peine quelques kilomètres plus loin, tu étais manivellé sur ton siège, anesthésié par notre agape arrosée de vin chaud. Effondré à l’avant du véhicule. Ramonant tes fosses nasales dans un ronflement tonitruant.
La dernière fois que nous nous sommes vu, à la terrasse d’un bistrot veveysan, tu m’as rappelé cette anecdote. « Pierre-Yves, que tu m’as dit, si un jour j’écris un livre, celle-ci y figurera en bonne place, foi de trompettiste » Je ne sais pas si livre il y aura… Mais je te la rends ici.
Caroline Dousse
Cher Daniel, tu t'en souviens, je me suis avancée vers cette porte ouverte pour voir les peintures de ton ami de Corsier...et, avec douceur je suis entrée, tu m'as tout de suite parlé et notre amitié a commencé. Je venais de rentrer de Monaco, 5 ans de vie là-bas, et maintenant en tant que fribourgeoise, je me suis installée à Corsier.
On a bu une bouteille de vin, puis deux, on a parlé, ri, comme si on se connaissait... tu étais mon premier ami de retour en Suisse puis les jours passèrent, tu m'as invité au festival de jazz.
Puis il y a eu les mois où je t'ai moins donné de nouvelles, à cause de plusieurs deuils à faire, tu m'as toujours appelé, envoyé un message pour me dire que tu pensais à moi, tu étais près de moi, j'ai souvent ressenti cette force que tu avais pour me remonter. Durant cette année 2010 si difficile, tu ne m'as jamais lâché.
Cher Daniel, tu t'en souviens, je me suis avancée vers cette porte ouverte pour voir les peintures de ton ami de Corsier...et, avec douceur je suis entrée, tu m'as tout de suite parlé et notre amitié a commencé. Je venais de rentrer de Monaco, 5 ans de vie là-bas, et maintenant en tant que fribourgeoise, je me suis installée à Corsier.
On a bu une bouteille de vin, puis deux, on a parlé, ri, comme si on se connaissait... tu étais mon premier ami de retour en Suisse puis les jours passèrent, tu m'as invité au festival de jazz.
Puis il y a eu les mois où je t'ai moins donné de nouvelles, à cause de plusieurs deuils à faire, tu m'as toujours appelé, envoyé un message pour me dire que tu pensais à moi, tu étais près de moi, j'ai souvent ressenti cette force que tu avais pour me remonter. Durant cette année 2010 si difficile, tu ne m'as jamais lâché.