Henri Bolomey
Henri Bolomey : le roi des bons types (1913 - 2006)
C'était le premier jour du printemps à onze heures au Café Central à Vevey. Nous buvions chacun un verre de rouge, Henri avait 90 ans. Une jolie fille en robe, vingt-cinq ans peut-être, entre dans le bistro. Henri la regarde et dit :
"Voilà, Mademoiselle, la preuve qu'aujourd'hui c'est la première journée du printemps".
Elle demande : "mais pourquoi ?" Et Henri répond : "Parce que vous venez d’entrer, Mademoiselle."
La fille se dirige vers Henri, lui donne un bec et est visiblement heureuse. "Merci, Monsieur, vous êtes très gentil."
Et voilà, c’était Henri Bolomey, toujours si gentil, si humain, qui a quitté Vevey pour toujours le 26 septembre 2006, dans sa nonante troisième année.
Tout le monde connaissait le Henri devant qui le fer devenait un objet d'art, tout le monde connaissait l'homme tranquille, le serrurier qui exploitait son atelier à la Place Scanavin et qui créa tellement d'enseignes dans notre ville, y compris celle de la Confrérie des Vignerons.
Mais les amateurs de musique connaissaient aussi le trompettiste qui a partagé la vie de la Lyre de Vevey durant trente-cinq ans, qui a joué dans l'Orchestre de Ribaupierre, qui a participé comme musicien pour les Fêtes des Vignerons de 1927 et 1955, et qui a joué les compositions de Carlo Hemmerling. Aux côtés de Carlo, il jouait la trompette chaque dimanche de Pâques, à l'église de Corsier, et ce des années durant.
Les sportifs se souviennent de l'alpiniste Bolomey, membre du Club alpin, section de Jaman et pour qui nos montagnes n’avaient plus de secrets.
Mais au-dessus de tout c'était son côté humain et humaniste qui restera dans nos mémoires. L'homme qui ne comprenait pas la cruauté envers les autres êtres humains ou envers les animaux. Chaque fois que nous rupions ensemble Chez Charly à Fenil, il fallait passer à l'abri de la Société vaudoise pour la protection des animaux, juste après le Pont de Fenil. Et chaque fois, Henri devenait silencieux, il soupirait et prononçait toujours la même phrase : "comment l’être humain peut-il abandonner ces animaux ? Un animal ne fait jamais du mal à l'homme..." Lui, qui possédait un dingo (eh, ben, oui...) dans les années septante, lui qui n'arrivait pas à passer à côté d'un animal ou d'un enfant sans dire quelques mots gentils.
Une fois je lui ai demandé si cela ne gênerai pas trop que les gens m'appelaient "Bolomey". Il a répondu, sans hésitation, "Pas du tout. Mais mon vrai fils, lui, au moins, il est normale...." Merci, Henri....mais nous avons bien rigolé les deux ce jour là, en plein été, chez Charly à Fenil. Tes mains tremblaient déjà quand tu mangeais. Cela t’énervait...
Et tu refusais d'utiliser une canne pour marcher. Tu t'es fâché une fois avec moi..."les cannes c'est pour les vieux...."
Il y avait en Henri plus grand, beaucoup plus grand que le ferronnier d'art. Il y avait surtout le Bolomey humain, le Bolomey qui tout simplement aimait la vie et les gens, qui ne supportait pas la méchanceté d'un homme vers l'autre, qui ne supportait pas l'inégalité entre hommes et femmes. "Ma mère, avec tout ce qu'elle a vecu avant...elle existait, c'est tout. A mon époque la femme était servante de son mari. C'était dégueulasse"
Un socialiste avec un coeur solidement à droit, un radical (liberal?) avec un coeur solidement à gauche. Il ne voulait jamais me dire sauf que..."il faut respecter chacun, homme et femme"
Jean-Louis Bolomey
C'était le premier jour du printemps à onze heures au Café Central à Vevey. Nous buvions chacun un verre de rouge, Henri avait 90 ans. Une jolie fille en robe, vingt-cinq ans peut-être, entre dans le bistro. Henri la regarde et dit :
"Voilà, Mademoiselle, la preuve qu'aujourd'hui c'est la première journée du printemps".
Elle demande : "mais pourquoi ?" Et Henri répond : "Parce que vous venez d’entrer, Mademoiselle."
La fille se dirige vers Henri, lui donne un bec et est visiblement heureuse. "Merci, Monsieur, vous êtes très gentil."
Et voilà, c’était Henri Bolomey, toujours si gentil, si humain, qui a quitté Vevey pour toujours le 26 septembre 2006, dans sa nonante troisième année.
Tout le monde connaissait le Henri devant qui le fer devenait un objet d'art, tout le monde connaissait l'homme tranquille, le serrurier qui exploitait son atelier à la Place Scanavin et qui créa tellement d'enseignes dans notre ville, y compris celle de la Confrérie des Vignerons.
Mais les amateurs de musique connaissaient aussi le trompettiste qui a partagé la vie de la Lyre de Vevey durant trente-cinq ans, qui a joué dans l'Orchestre de Ribaupierre, qui a participé comme musicien pour les Fêtes des Vignerons de 1927 et 1955, et qui a joué les compositions de Carlo Hemmerling. Aux côtés de Carlo, il jouait la trompette chaque dimanche de Pâques, à l'église de Corsier, et ce des années durant.
Les sportifs se souviennent de l'alpiniste Bolomey, membre du Club alpin, section de Jaman et pour qui nos montagnes n’avaient plus de secrets.
Mais au-dessus de tout c'était son côté humain et humaniste qui restera dans nos mémoires. L'homme qui ne comprenait pas la cruauté envers les autres êtres humains ou envers les animaux. Chaque fois que nous rupions ensemble Chez Charly à Fenil, il fallait passer à l'abri de la Société vaudoise pour la protection des animaux, juste après le Pont de Fenil. Et chaque fois, Henri devenait silencieux, il soupirait et prononçait toujours la même phrase : "comment l’être humain peut-il abandonner ces animaux ? Un animal ne fait jamais du mal à l'homme..." Lui, qui possédait un dingo (eh, ben, oui...) dans les années septante, lui qui n'arrivait pas à passer à côté d'un animal ou d'un enfant sans dire quelques mots gentils.
Une fois je lui ai demandé si cela ne gênerai pas trop que les gens m'appelaient "Bolomey". Il a répondu, sans hésitation, "Pas du tout. Mais mon vrai fils, lui, au moins, il est normale...." Merci, Henri....mais nous avons bien rigolé les deux ce jour là, en plein été, chez Charly à Fenil. Tes mains tremblaient déjà quand tu mangeais. Cela t’énervait...
Et tu refusais d'utiliser une canne pour marcher. Tu t'es fâché une fois avec moi..."les cannes c'est pour les vieux...."
Il y avait en Henri plus grand, beaucoup plus grand que le ferronnier d'art. Il y avait surtout le Bolomey humain, le Bolomey qui tout simplement aimait la vie et les gens, qui ne supportait pas la méchanceté d'un homme vers l'autre, qui ne supportait pas l'inégalité entre hommes et femmes. "Ma mère, avec tout ce qu'elle a vecu avant...elle existait, c'est tout. A mon époque la femme était servante de son mari. C'était dégueulasse"
Un socialiste avec un coeur solidement à droit, un radical (liberal?) avec un coeur solidement à gauche. Il ne voulait jamais me dire sauf que..."il faut respecter chacun, homme et femme"
Jean-Louis Bolomey