Les français chez nous...
Le langage vaudois par Gilles
Le Vaudois, la chose est certaine,
n'aime pas les mots trop précis;
leur exactitude le gêne
sauf s'il s'agit de trois décis.
C'est l'exception quantitative !
Pour le reste, il est toute pudeur.
La lumière est toujours trop vive
et il redoute la grandeur.
*
Il préfère au beau le joli
qui est du beau, mais ramolli,
et quand un ami le questionne
sur sa santé, s'il est content,
il ne répond pas :"Elle est bonne..."
Il répond :"ça va joliment !"
*
Joli, en toutes circonstances,
peut servir. Des enfants polis,
c'est si joli ! et l'innocence
d'un petit chat : c'est trop joli !
Conclusion à la tragédie
où le vieil Oedipe meurtri,
sanglant, voit s'écrouler sa vie :
- On a trouvé ça bien joli !
*
Mais par contre si le petit
s'oublie une fois dans son lit
- ce sont des malheurs qui arrivent -
la maman se fâche et lui dit
(c'est ici que le mot dérive) :
- Petit vilain ! C'est du joli !
*
Les sentiments sont le domaine
où le vrai Vaudois se retient.
Il ne peut pas dire :"Je t'aime",
mais seulement :"Je t'aime bien."
Cette imprécision, fine ruse,
a parfois de fâcheux excès,
car certains mots dont il abuse
ont un sens précis en français.
*
C'est ainsi qu'on entend souvent
dans les concerts d'abonnement
de braves dames respectables
s'exclamer, l'air épanoui :
- Ce concert était admirable,
cher maître, on a beaucoup joui !
*
Quoique prudent, le Vaudois force
sur les mots, comme sur le blanc.
Il en est qui bombent le torse,
comme épouvantable ou puissant.
Un puissant gaillard ! Une chance
épouvantable ! C'est affreux
ce qu'on a ri ! et puis, j'y pense,
le bouquet : C'est pharamineux !
*
C'était le mot d'Aimé Genton.
ça veut dire d'après le ton :
C'est renversant ! C'est fantastique !
Pharamineux ! Tout s'éclaircit.
C'est le grand moment fatidique
de recommander trois décis !
*
Exagérée ou nuancée
- attention, on ne sait jamais -
la pensée ainsi déguisée,
personne ne se compromet.
"Ouais" est bien plus facile à dire
que oui qui n'est pas tant vaudois.
C'est comme non qu'on peut traduire
avantageusement par "ouah" !
*
Mais notre langage a des tours
et des contours et des détours
qui parfois sont inexplicables.
Par contre, allez donc savoir
comment "pense donc !", concevable,
a pu donner :"Pense te voir !"
*
Glossaire vaudois : la panosse,
une bedoume, un penatzet,
une berclure, une tzergosse,
un poire, une homme, un trabetzet.
ça fait des gouilles quand il roille !
Se mettre à la chotte au cani !
Ce tâdier en lâchant sa boille
a épéclé tout le chenit !
*
Un bocon de pain, des greubons !
Prendre le traclet pour Moudon !
Voilà le Jules qui s'aguille
sur le mur, en pantet, fin rond.
Nous autres, on chope la déguille,
Veille-toi ! voilà les gâpions !
*
Bien qu'il ait peur du ridicule,
le Vaudois, à certains moments,
se lance dans les majuscules
et devient pompier carrément,
quand il s'agit de la patrie :
"Que dans ces lieux ! A toi toujours !
L'amour des lois ! Suisse chérie,
objet sacré de mes amours !"
*
Garde à vous ! Fixe ! Ouvrez le ban !
Rataplan ! - rataplan ! - planplan !
Après quoi : Repos ! Tout s'apaise.
On reboit un petit coup d'blanc.
Jules-Henry emmode la gniaise
et tout ça finit, c'est charmant,
à la vaudois' bien joliment !
Le Vaudois, la chose est certaine,
n'aime pas les mots trop précis;
leur exactitude le gêne
sauf s'il s'agit de trois décis.
C'est l'exception quantitative !
Pour le reste, il est toute pudeur.
La lumière est toujours trop vive
et il redoute la grandeur.
*
Il préfère au beau le joli
qui est du beau, mais ramolli,
et quand un ami le questionne
sur sa santé, s'il est content,
il ne répond pas :"Elle est bonne..."
Il répond :"ça va joliment !"
*
Joli, en toutes circonstances,
peut servir. Des enfants polis,
c'est si joli ! et l'innocence
d'un petit chat : c'est trop joli !
Conclusion à la tragédie
où le vieil Oedipe meurtri,
sanglant, voit s'écrouler sa vie :
- On a trouvé ça bien joli !
*
Mais par contre si le petit
s'oublie une fois dans son lit
- ce sont des malheurs qui arrivent -
la maman se fâche et lui dit
(c'est ici que le mot dérive) :
- Petit vilain ! C'est du joli !
*
Les sentiments sont le domaine
où le vrai Vaudois se retient.
Il ne peut pas dire :"Je t'aime",
mais seulement :"Je t'aime bien."
Cette imprécision, fine ruse,
a parfois de fâcheux excès,
car certains mots dont il abuse
ont un sens précis en français.
*
C'est ainsi qu'on entend souvent
dans les concerts d'abonnement
de braves dames respectables
s'exclamer, l'air épanoui :
- Ce concert était admirable,
cher maître, on a beaucoup joui !
*
Quoique prudent, le Vaudois force
sur les mots, comme sur le blanc.
Il en est qui bombent le torse,
comme épouvantable ou puissant.
Un puissant gaillard ! Une chance
épouvantable ! C'est affreux
ce qu'on a ri ! et puis, j'y pense,
le bouquet : C'est pharamineux !
*
C'était le mot d'Aimé Genton.
ça veut dire d'après le ton :
C'est renversant ! C'est fantastique !
Pharamineux ! Tout s'éclaircit.
C'est le grand moment fatidique
de recommander trois décis !
*
Exagérée ou nuancée
- attention, on ne sait jamais -
la pensée ainsi déguisée,
personne ne se compromet.
"Ouais" est bien plus facile à dire
que oui qui n'est pas tant vaudois.
C'est comme non qu'on peut traduire
avantageusement par "ouah" !
*
Mais notre langage a des tours
et des contours et des détours
qui parfois sont inexplicables.
Par contre, allez donc savoir
comment "pense donc !", concevable,
a pu donner :"Pense te voir !"
*
Glossaire vaudois : la panosse,
une bedoume, un penatzet,
une berclure, une tzergosse,
un poire, une homme, un trabetzet.
ça fait des gouilles quand il roille !
Se mettre à la chotte au cani !
Ce tâdier en lâchant sa boille
a épéclé tout le chenit !
*
Un bocon de pain, des greubons !
Prendre le traclet pour Moudon !
Voilà le Jules qui s'aguille
sur le mur, en pantet, fin rond.
Nous autres, on chope la déguille,
Veille-toi ! voilà les gâpions !
*
Bien qu'il ait peur du ridicule,
le Vaudois, à certains moments,
se lance dans les majuscules
et devient pompier carrément,
quand il s'agit de la patrie :
"Que dans ces lieux ! A toi toujours !
L'amour des lois ! Suisse chérie,
objet sacré de mes amours !"
*
Garde à vous ! Fixe ! Ouvrez le ban !
Rataplan ! - rataplan ! - planplan !
Après quoi : Repos ! Tout s'apaise.
On reboit un petit coup d'blanc.
Jules-Henry emmode la gniaise
et tout ça finit, c'est charmant,
à la vaudois' bien joliment !