Ramuz - Vaud
...c'est que ce pays (de Vaud) est un vrai pays et pas seulement un "canton", comme tant d'autres.Il y a certaines terres déshéritées qui ne finissent nulle part, qui ne commencent nulle part, et qui, bien que bénéficiant légalement, de par l'histoire et le droit international, d'une parfaite autonomie, n'existent nulle part pour les yeux, confondus qu'ils sont géographiquement avec les territoires voisins. Ils ne sont pas, ils n'existent que sur la carte...(mais...le Pays de Vaud...)
...c'est que ce pays (de Vaud) est un vrai pays et pas seulement un "canton", comme tant d'autres.Il y a certaines terres déshéritées qui ne finissent nulle part, qui ne commencent nulle part, et qui, bien que bénéficiant légalement, de par l'histoire et le droit international, d'une parfaite autonomie, n'existent nulle part pour les yeux, confondus qu'ils sont géographiquement avec les territoires voisins. Ils ne sont pas, ils n'existent que sur la carte...(mais...le Pays de Vaud...)
Les trois principes du bon vaudois
Chacun connaît, bien sûr, l'histoire de ce bon paysan vaudois affirmant . "J'ai fondé ma vie entière sur trois principes : méfiance, méfiance, méfiance"
Chacun connaît, bien sûr, l'histoire de ce bon paysan vaudois affirmant . "J'ai fondé ma vie entière sur trois principes : méfiance, méfiance, méfiance"
Paul Chaudet - participer à la vie active du Pays
"Quand un citoyen se demande en toute sincérité comment il peut agir dans une société dépersonnalisée, je crois qu'il commet d'erreur initiale de vouloir dépasser de prime abord le cadre ethnique et géographique dans lequel il peut donner sa mesure" Pour Paul Chaudet ce qui importait avant tout c'était "le fonctionnement des institutions communales et cantonales, qui constituent l'assise d'une action politique fondée sur des réalités proches et concrètes".
"Quand un citoyen se demande en toute sincérité comment il peut agir dans une société dépersonnalisée, je crois qu'il commet d'erreur initiale de vouloir dépasser de prime abord le cadre ethnique et géographique dans lequel il peut donner sa mesure" Pour Paul Chaudet ce qui importait avant tout c'était "le fonctionnement des institutions communales et cantonales, qui constituent l'assise d'une action politique fondée sur des réalités proches et concrètes".
A nos amis français
Pourquoi faut-il alors que notre attachement à la France, notre admiration pour elle soient toujours à sens
unique ? Pourquoi faut-il que nous soyons toujours pour vous des marginaux, des francophones de seconde cuvée, comme les Helvètes pour Camille Julian ?
Pourquoi seuls quelques Suisses, exceptionnels à vos yeux mais pas forcément aux nôtres, méritent-ils d'être hissés au niveau des Français et se voient alors annexés purement et simplement, qu'ils le veuillent ou non, comme Le Corbusier et Grock, comme Arthur Honegger ou Michel Simon, comme Blaise Cendrars, comme Jean-Jacques Rousseau ?
Alors que près de deux cents Suisses alémaniques sont professeurs dans les universités d'Allemagne, alors qu'une quarantaine de Français occupent des chaires dans les universités romandes, comment se fait-il que jamais un Romand n'ait été appelé dans aucune de vos universités, à moins d'accepter une naturalisation ? Pourquoi, quand un mot du langage suisse romand est admis dans la langue française, quand une de nos recettes fait fortune chez vous, les baptisez-vous « savoyards » ou « comtois » ? Notre « luge » serait donc savoyarde, tout comme notre « fondue » ? Pourquoi ne se trouve-t-il, même dans vos journaux les plus lus chez nous, que de rares commentaires sur notre pays ? Pourquoi vos hommes politiques, comme naguère le Général de Gaulle, semblent-ils toujours condescendants lorsqu'ils s'adressent à des Suisses, quand ils ne les ignorent pas complètement ? Nul ne se souvient, par exemple, l'avoir jamais entendu prononcer seulement le nom de la Suisse, qui est pourtant un de vos six voisins immédiats.
Pourtant, il est quelques faits, ignorés peut-être, sous-estimes dans tous les cas, qui donnent a ces Helvètes des droits égaux aux vôtres à se dire héritiers des Gaulois et d'autres faits encore qui pourraient en faire des descendants plus authentiques que ceux que vous êtes devenus.
Il n'a, premièrement, nul besoin d'effronterie, ce Suisse romand, pour observer que son pays i ques que vous. Il se partage, comme la France, en parler d'oc, pour sa plus grande part, et en parler d'oïl dans le canton du Jura et dans une partie de celui de Neuchâtel. Vous ne lui avez ni enseigné la langue française ni accordé le droit de la parler. Peut-être la parlez-vous plus élégamment que lui ? Nous le concédons. Cela nous vaut le plaisir que nous avons à vous écouter. En outre, comme vous êtes les plus nombreux, vous veillez, nous vous en savons gré, à la sauvegarde de ce patrimoine linguistique.
Mais rien de cela ne saurait empêcher que l'Helvétie a fait partie de la Gaule, qu'elle a subi elle aussi l'assaut de César, qu'elle a, dès lors, été gallo-romaine. Il est même utile de préciser que diverses provinces aujourd'hui françaises n*ont jamais fait partie de la Gaule. C'est le cas du pays qui s'étend au sud de la Garonne. La Provence elle-même, de langue occitane, est moins gauloise que l'Helvétie.
En second lieu, ce Romand — ce Velche, aurait dit Voltaire — se fait un malin plaisir à vous faire observer combien au cours des siècles vous vous êtes éloignés progressivement des conceptions sociales des Gaulois pour leur préférer celles de vos vainqueurs, comment votre boulimie législatrice est à l'opposé des lois non écrites des tribus gauloises alors que les petits États que sont les cantons suisses, par leur refus, au long de l'histoire, de toute force centralisatrice, n'ont pas cessé de représenter le modèle, évolué certes, mais reconnaissable, de la société celtique. La facilité avec laquelle certains de ces petits États ont embrassé la Réforme est une autre preuve de leur aptitude à résister à tous les puissants, fussent-ils ceux de la Rome catholique. L'élan nouveau que leur apportèrent les huguenots contribua, plus encore qu'on l'imagine, à y renforcer la structure sociale opposée à toute intervention inutile de l'État.
"L'Europe à l'heure des celtes" : Jean-Pierre Vouga. Éditions Bertil Galland.
Pourquoi faut-il alors que notre attachement à la France, notre admiration pour elle soient toujours à sens
unique ? Pourquoi faut-il que nous soyons toujours pour vous des marginaux, des francophones de seconde cuvée, comme les Helvètes pour Camille Julian ?
Pourquoi seuls quelques Suisses, exceptionnels à vos yeux mais pas forcément aux nôtres, méritent-ils d'être hissés au niveau des Français et se voient alors annexés purement et simplement, qu'ils le veuillent ou non, comme Le Corbusier et Grock, comme Arthur Honegger ou Michel Simon, comme Blaise Cendrars, comme Jean-Jacques Rousseau ?
Alors que près de deux cents Suisses alémaniques sont professeurs dans les universités d'Allemagne, alors qu'une quarantaine de Français occupent des chaires dans les universités romandes, comment se fait-il que jamais un Romand n'ait été appelé dans aucune de vos universités, à moins d'accepter une naturalisation ? Pourquoi, quand un mot du langage suisse romand est admis dans la langue française, quand une de nos recettes fait fortune chez vous, les baptisez-vous « savoyards » ou « comtois » ? Notre « luge » serait donc savoyarde, tout comme notre « fondue » ? Pourquoi ne se trouve-t-il, même dans vos journaux les plus lus chez nous, que de rares commentaires sur notre pays ? Pourquoi vos hommes politiques, comme naguère le Général de Gaulle, semblent-ils toujours condescendants lorsqu'ils s'adressent à des Suisses, quand ils ne les ignorent pas complètement ? Nul ne se souvient, par exemple, l'avoir jamais entendu prononcer seulement le nom de la Suisse, qui est pourtant un de vos six voisins immédiats.
Pourtant, il est quelques faits, ignorés peut-être, sous-estimes dans tous les cas, qui donnent a ces Helvètes des droits égaux aux vôtres à se dire héritiers des Gaulois et d'autres faits encore qui pourraient en faire des descendants plus authentiques que ceux que vous êtes devenus.
Il n'a, premièrement, nul besoin d'effronterie, ce Suisse romand, pour observer que son pays i ques que vous. Il se partage, comme la France, en parler d'oc, pour sa plus grande part, et en parler d'oïl dans le canton du Jura et dans une partie de celui de Neuchâtel. Vous ne lui avez ni enseigné la langue française ni accordé le droit de la parler. Peut-être la parlez-vous plus élégamment que lui ? Nous le concédons. Cela nous vaut le plaisir que nous avons à vous écouter. En outre, comme vous êtes les plus nombreux, vous veillez, nous vous en savons gré, à la sauvegarde de ce patrimoine linguistique.
Mais rien de cela ne saurait empêcher que l'Helvétie a fait partie de la Gaule, qu'elle a subi elle aussi l'assaut de César, qu'elle a, dès lors, été gallo-romaine. Il est même utile de préciser que diverses provinces aujourd'hui françaises n*ont jamais fait partie de la Gaule. C'est le cas du pays qui s'étend au sud de la Garonne. La Provence elle-même, de langue occitane, est moins gauloise que l'Helvétie.
En second lieu, ce Romand — ce Velche, aurait dit Voltaire — se fait un malin plaisir à vous faire observer combien au cours des siècles vous vous êtes éloignés progressivement des conceptions sociales des Gaulois pour leur préférer celles de vos vainqueurs, comment votre boulimie législatrice est à l'opposé des lois non écrites des tribus gauloises alors que les petits États que sont les cantons suisses, par leur refus, au long de l'histoire, de toute force centralisatrice, n'ont pas cessé de représenter le modèle, évolué certes, mais reconnaissable, de la société celtique. La facilité avec laquelle certains de ces petits États ont embrassé la Réforme est une autre preuve de leur aptitude à résister à tous les puissants, fussent-ils ceux de la Rome catholique. L'élan nouveau que leur apportèrent les huguenots contribua, plus encore qu'on l'imagine, à y renforcer la structure sociale opposée à toute intervention inutile de l'État.
"L'Europe à l'heure des celtes" : Jean-Pierre Vouga. Éditions Bertil Galland.
Le vaudois et les décisions
Le vaudois est quelqu'un qui réfléchit très, très, très longtemps avant de ne pas prendre une décision...
(Jean-Louis 1997)
Le vaudois est quelqu'un qui réfléchit très, très, très longtemps avant de ne pas prendre une décision...
(Jean-Louis 1997)
Vaud - La Suisse en miniature
Il me vient la réflexion suivante: je ne sais s'il n'y en a point comme nous, mais ce canton, Suisse miniature, riche de tant de territoires, de terroirs, de diversité, de mentalités, mérite que nous élevions le regard et que nous élargissions notre champ de vision pour y vivre et le faire vivre! Haut les coeurs concitoyens, dépassons-nous!"
Jean-Pierre Chollet (Commandant des Cents-Suisses, 1999)
Il me vient la réflexion suivante: je ne sais s'il n'y en a point comme nous, mais ce canton, Suisse miniature, riche de tant de territoires, de terroirs, de diversité, de mentalités, mérite que nous élevions le regard et que nous élargissions notre champ de vision pour y vivre et le faire vivre! Haut les coeurs concitoyens, dépassons-nous!"
Jean-Pierre Chollet (Commandant des Cents-Suisses, 1999)
Eugène Rambert
Habitué à un bonheur facile, vivant paisible sous un beau ciel, le Vaudois repousse d'instinct ce qui le dérange et l'inquiète. Honnête, bon enfant, sournois et contemplateur, il aime à vaquer tranquillement à ses affaires de tous les jours...
Habitué à un bonheur facile, vivant paisible sous un beau ciel, le Vaudois repousse d'instinct ce qui le dérange et l'inquiète. Honnête, bon enfant, sournois et contemplateur, il aime à vaquer tranquillement à ses affaires de tous les jours...
Le caractère du vaudois
On s'enflamme et l'on se refroidit. On s'irrite et l'on s'apaise. On s'élance et l'on retombe. On est à la fois lourd et mobile, prompt à entreprendre et prompt à se lasser, attaché à la coutume et disposé à se prêter à des moeurs nouvelles avec une rare flexibilité.
Tels sont nos Vaudois... - Ils sont plus gaillards qu'agiles, plus malins que perfides, plus renferés que cachés. On ne se figurerait pas, en voyant leurs traits vagues, leurs bras tombant sur les côtés et en les entendant s'exprimer avec lenteur ce qu'ils recèlent de sens et de finesse d'esprit. (Louis Vuillemin)
On s'enflamme et l'on se refroidit. On s'irrite et l'on s'apaise. On s'élance et l'on retombe. On est à la fois lourd et mobile, prompt à entreprendre et prompt à se lasser, attaché à la coutume et disposé à se prêter à des moeurs nouvelles avec une rare flexibilité.
Tels sont nos Vaudois... - Ils sont plus gaillards qu'agiles, plus malins que perfides, plus renferés que cachés. On ne se figurerait pas, en voyant leurs traits vagues, leurs bras tombant sur les côtés et en les entendant s'exprimer avec lenteur ce qu'ils recèlent de sens et de finesse d'esprit. (Louis Vuillemin)
J'aime tes eaux que la brise amoureuse...
J’aime tes eaux que la brise amoureuse
Plisse au matin, d’une aile gracieuse,
Lorsqu’elle joue aux voiles des bateaux ;
Et quand rugit le vent, j’aime tes eaux :
Leur grave élan, leur bruissement sonore,
Le choc puissant dont retentit le bord ;
La blanche écume amassée ; et du port
L’anse inquiète où l’onde roule encore.
Quand du couchant les flammes nuancées
Sur ton miroir s’éteignent balancées,
Quand chaque flot plonge, mobile et pur,
Son île d’or dans l’océan d’azur ;
De ma pensée, autour de toi captive,
L’amour encore repose sur tes eaux,
Avec les monts, les tours, les blancs oiseaux,
Et les manoirs qui dorment sur ta rive.
O bleu Léman, toujours grand, toujours beau,
Que sur ta rive au moins j’aie un tombeau !
Juste Olivier 1832
J’aime tes eaux que la brise amoureuse
Plisse au matin, d’une aile gracieuse,
Lorsqu’elle joue aux voiles des bateaux ;
Et quand rugit le vent, j’aime tes eaux :
Leur grave élan, leur bruissement sonore,
Le choc puissant dont retentit le bord ;
La blanche écume amassée ; et du port
L’anse inquiète où l’onde roule encore.
Quand du couchant les flammes nuancées
Sur ton miroir s’éteignent balancées,
Quand chaque flot plonge, mobile et pur,
Son île d’or dans l’océan d’azur ;
De ma pensée, autour de toi captive,
L’amour encore repose sur tes eaux,
Avec les monts, les tours, les blancs oiseaux,
Et les manoirs qui dorment sur ta rive.
O bleu Léman, toujours grand, toujours beau,
Que sur ta rive au moins j’aie un tombeau !
Juste Olivier 1832
La mort de Davel et la suffisance vaudoise
Sa mort (de Davel) est comme un lieu de rencontre où s'évanouissent toutes les fausses gloires, les fausses sécurités, les fausses libertés, la fausse morale des Vaudois....
...ces Vaudois qui se contentent de leur vie tranquille, de leur position sociale, de leur morale individuelle,
...ces Vaudois qui se refusent de se lier à l'action politique par souci de garder une vocation personnelle indépendant,
...ces Vaudois qui continuent à voter la mort de Davel comme nos ancêtres les bourgeois de la rue de Bourg.
Le sacrifice de Davel nous donne la certitude que le Pays de Vaud n'est pas une idée abstraite, une construction de l'esprit, puisqu'il a mérité, à son époque la plus obscure, qu'un homme mourût pour lui.
Adapté de M. Regamey
Sa mort (de Davel) est comme un lieu de rencontre où s'évanouissent toutes les fausses gloires, les fausses sécurités, les fausses libertés, la fausse morale des Vaudois....
...ces Vaudois qui se contentent de leur vie tranquille, de leur position sociale, de leur morale individuelle,
...ces Vaudois qui se refusent de se lier à l'action politique par souci de garder une vocation personnelle indépendant,
...ces Vaudois qui continuent à voter la mort de Davel comme nos ancêtres les bourgeois de la rue de Bourg.
Le sacrifice de Davel nous donne la certitude que le Pays de Vaud n'est pas une idée abstraite, une construction de l'esprit, puisqu'il a mérité, à son époque la plus obscure, qu'un homme mourût pour lui.
Adapté de M. Regamey
Le temps des engrangements : Texte figurant dans le livret de famille du Pays de Vaud
C.-F. Ramuz
Viens te mettre à côté de moi, sur le banc, devant la maison, femme, il va y avoir 40 ans qu’on est ensemble.
Ce soir, et puisqu’il fait si beau, et c’est aussi le soir de notre vie, tu as bien mérité, vois-tu, un petit moment de repos.
Voilà que les enfants à cette heure sont casés et s’en sont allés par le monde, et de nouveau on n’est rien que les deux, comme quand on a commencé.
Femme, tu te souviens, on avait rien pour commencer, tout était à faire, et on s’y est mis, mais c’est dur, il faut du courage, de la persévérance, il faut de l’amour et l’amour n’est pas ce qu’on croit quand on commence.
Ce n’est pas seulement ces baisers qu’on échange, ces petits mots qu’on se glisse à l’oreille, ou bien de se tenir serrés l’un contre l’autre. Le temps de la vie est long, le jour des noces n’est qu’un jour, c’est ensuite, tu te rappelles, c’est seulement ensuite qu’a commencé la vie. Il faut faire, c’est défait. Il faut refaire, et c’est défait encore.
Les enfants viennent, il faut les nourrir, les habiller, les élever, ça n’en finit plus. Il arrive aussi qu’ils soient malades; tu étais debout toute la nuit. Moi, je travaillais du matin au soir.
Il y a des fois qu’on désespère et les années se suivent et on n’avance pas.
Il semble souvent qu’on revient en arrière. Tu te souviens, femme, tous ces soucis, tous ces tracas.
Seulement, tu as été là, on est resté fidèle l’un à l’autre, et ainsi, j’ai pu m’appuyer sur toi, et toi, tu t’appuyais sur moi.
On a eu la chance d’être ensemble. On s’est mis tous les deux à la tâche, on a duré, on a tenu le coup. Le vrai amour n’est pas ce qu’on croit, le vrai amour n’est pas d’un jour, mais de toujours.
C’est de s’aider, de se comprendre, et peu à peu, on voit que tout s’arrange.
Les enfants sont devenus grands, ils ont bien tourné, on leur avait donné l’exemple. On a consolidé les assises de la maison, que toutes les maisons du pays soient solides et le pays sera solide, lui aussi.
C’est pourquoi, mets-toi à côté de moi et puis regarde, car c’est le temps de la récolte, et le temps des engrangements.
Quand il fait rose, comme ce soir, et une poussière rose monte partout entre les arbres, mets-toi tout contre moi, on ne parlera pas, on n’a plus besoin de rien se dire, on n’a besoin que d’être ensemble encore une fois, et de laisser venir la nuit dans le contentement de la tâche accomplie.
C.-F. Ramuz
Viens te mettre à côté de moi, sur le banc, devant la maison, femme, il va y avoir 40 ans qu’on est ensemble.
Ce soir, et puisqu’il fait si beau, et c’est aussi le soir de notre vie, tu as bien mérité, vois-tu, un petit moment de repos.
Voilà que les enfants à cette heure sont casés et s’en sont allés par le monde, et de nouveau on n’est rien que les deux, comme quand on a commencé.
Femme, tu te souviens, on avait rien pour commencer, tout était à faire, et on s’y est mis, mais c’est dur, il faut du courage, de la persévérance, il faut de l’amour et l’amour n’est pas ce qu’on croit quand on commence.
Ce n’est pas seulement ces baisers qu’on échange, ces petits mots qu’on se glisse à l’oreille, ou bien de se tenir serrés l’un contre l’autre. Le temps de la vie est long, le jour des noces n’est qu’un jour, c’est ensuite, tu te rappelles, c’est seulement ensuite qu’a commencé la vie. Il faut faire, c’est défait. Il faut refaire, et c’est défait encore.
Les enfants viennent, il faut les nourrir, les habiller, les élever, ça n’en finit plus. Il arrive aussi qu’ils soient malades; tu étais debout toute la nuit. Moi, je travaillais du matin au soir.
Il y a des fois qu’on désespère et les années se suivent et on n’avance pas.
Il semble souvent qu’on revient en arrière. Tu te souviens, femme, tous ces soucis, tous ces tracas.
Seulement, tu as été là, on est resté fidèle l’un à l’autre, et ainsi, j’ai pu m’appuyer sur toi, et toi, tu t’appuyais sur moi.
On a eu la chance d’être ensemble. On s’est mis tous les deux à la tâche, on a duré, on a tenu le coup. Le vrai amour n’est pas ce qu’on croit, le vrai amour n’est pas d’un jour, mais de toujours.
C’est de s’aider, de se comprendre, et peu à peu, on voit que tout s’arrange.
Les enfants sont devenus grands, ils ont bien tourné, on leur avait donné l’exemple. On a consolidé les assises de la maison, que toutes les maisons du pays soient solides et le pays sera solide, lui aussi.
C’est pourquoi, mets-toi à côté de moi et puis regarde, car c’est le temps de la récolte, et le temps des engrangements.
Quand il fait rose, comme ce soir, et une poussière rose monte partout entre les arbres, mets-toi tout contre moi, on ne parlera pas, on n’a plus besoin de rien se dire, on n’a besoin que d’être ensemble encore une fois, et de laisser venir la nuit dans le contentement de la tâche accomplie.