Exportations suisses vers les Alliés
Ces chiffres n'étaient pas mentionnés par Monsieur Bergier.
Vers la France et l'Empire français sept 1939 à juin 1940 : 105 millions de francs
Vers la France de sept 1944 à mai 1945 : 80 millions de francs
Vers l'Angleterre et son empire de sept 1939 à déc 1939 : 90 millions de francs
Vers l'Angleterre et son empire de jan 1940 à juin 1945 : 630 millions de francs
Vers l'Argentine et la Turquie depuis leur alignement sur le camp allié : 100 millions de francs
Vers la zone dollar de juin 1941 à juin 1945 : min. 780 millions de francs, max. 1,15 milliard de francs.
Tout cela pour aider l'Allemagne nazie...
Ces chiffres n'étaient pas mentionnés par Monsieur Bergier.
Vers la France et l'Empire français sept 1939 à juin 1940 : 105 millions de francs
Vers la France de sept 1944 à mai 1945 : 80 millions de francs
Vers l'Angleterre et son empire de sept 1939 à déc 1939 : 90 millions de francs
Vers l'Angleterre et son empire de jan 1940 à juin 1945 : 630 millions de francs
Vers l'Argentine et la Turquie depuis leur alignement sur le camp allié : 100 millions de francs
Vers la zone dollar de juin 1941 à juin 1945 : min. 780 millions de francs, max. 1,15 milliard de francs.
Tout cela pour aider l'Allemagne nazie...
A propos de la Commission de Monsieur Bergier
Monsieur Bergier, en empochant ses demi-million de francs suisses de salaire, a conclu que "les autorités de la Suisse ont réellement contribué à la réalisation de l'objectif des nationaux-socialistes" C'est -à-dire, en clair: l'Holocauste. Donc, la Suisse a aidé directement au massacre de millions de juifs, de tsiganes, de polonais, russes, bulgares etc. etc etc. Peut-être la Suisse était à Stalingrad, à Moscou, à Leningrad, avec les nazis? C'est clair que sans la présence embêtante de la puissance Suisse, les alliés auraient gagné la guerre avant Noël 1939......
Les troupes dans le voisinage de nos frontières permettent à tout moment une action brutale contre notre pays. Il n'y avait à proximité de nos frontières, c'est à dire dans la zone "utile" de 100-200 kilomètres, pas moins de 20 à 30 divisions (allemandes) à certains moments... (Général Guisan)
Le Conseil fédéral n'as pas jugé nécessaire d'inclure dans la Commission (Bergier) des représentants de la génération du service actif qui avaient vécu, comme adultes, la période de la guerre mondiale....
La Commission Bergier a renoncé à consulter d'éminentes personnalités avec de hautes fonctions à l'époque de la guerre. Ainsi, l'ancien conseiller fédéral Hans Schaffner et l'ancien secrétaire d'État Paul Jolles ont attendu en vain une invitation à un entretien....
Lorsque le Conseil Fédéral, sans doute "dans la meilleure des intentions", a chargé un groupe d'experts suisses et étrangers d'élaborer un rapport "indépendant" sur l'attitude de la Suisse pendant la période nazie, le seul membre suisse de ce groupe pouvant compter comme témoin de l'époque était Joseph Voyame, né en 1923. Parmi les membres étrangers de la Commission Bergier, AUCUN n'avait vécu la période de la guerre en Suisse.
Peut-être le professeur Bergier nous expliquera-t-il un jour lui-même pourquoi une commission sous sa direction (...) est parvenue a des conclusions diamétralement opposées a celles qui étaient les siennes en 1990/91. Les premiers rapports de la CIE sonnent, nous le savons bien, comme de vrais réquisitoires contre les autorités fédérales des années de guerre; des autorités qui non seulement auraient violé leur devoir de neutralité, mais auraient encore contribué - intentionnellement ou non - a ce que le régime nazi puisse atteindre ses objectifs. On est en droit de se demander si une telle auto-accusation n'a pas eu pour origine une certaine complaisance a l'égard des pressions extérieures, une complaisance qui n'est pas sans évoquer la volonté de <s'adapter> que le président de la Commission Bergier et son équipe attribuent et reprochent aux représentants de l'establishment suisse des années 1940. (Paul Stauffer - historien et ambassadeur à la retraite)
Une autre question que nous aimerions bien poser a M. Bergier personnellement concerne le prix du "Mount Scopus" qui lui a été décerné par l'Université hébraïque de Jérusalem en l'an 2000, au moment même ou sa Commission était en plein travail. Dans de telles circonstances, accepter ce prix était un geste particulièrement déplacé. II faut ajouter que le professeur se trouvait en bonne compagnie officielle: Mme Dreifuss avait reçu, en 1999 et de la même université ainsi que, l'année suivante, de celle de Haifa, les titres de docteur honoris causa. Quant a M. Cotti, (conseiller fédéral...) il n'a pas non plus été oublié. La fondation juive «Fischhof» lui a en effet remis un prix doté de cinquante mille francs. On ne peut s'empêcher de se demander ce qui était le plus déplacé: l'attribution de ce prix a un conseiller jugé opportun, en 1997 et comme président de la Confédération ainsi que ministre suisse des Affaires étrangères, d'aller a Canossa, c'est-a-dire dans le bureau privé new-yorkais d'Edgar Bronfman, président du Congres juif mondial (WJC).
Monsieur Bergier (Jean-François, donc,) professeur suisse romand d'histoire économique à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. A la veille de sa retraite il était spécialiste du Moyen Age et du début de l'ère moderne. Il était personnellement connu de quelques membres du Conseil fédéral. Donc, un intellectuel qui était grandement qualifié dans les problèmes de la Suisse, le Nazisme, et les souffrances des juifs.
Dans la commission de Monsieur Bergier il manquait des experts en droit public international et en économie politique moderne. Le seul membre qui a vécu en Suisse pendant la guerre, Joseph Voyame a démissionné en 2000 déjà....Le conseiller fédéral Hans Schaffner (1919-2004) et l'ancien secrétaire d'État Paul Jolles (1919-2000) n'ont pas été consultés.
Bergier n'a pas invité les historiens des universités romands dans sa commission. Mais la Commission de Bergier a eu beaucoup a dire sur les problèmes de réfugiés juifs en suisse romande...
A l'occasion d'un débat qui a eu lieu en janvier 2005 au Musée national suisse de Prangins dans le cadre de l'exposition «Histoire et mémoire», Monsieur Bergier a déclaré publiquement qu'il n'avait pas lu tous les textes de rapports totalisant grosso modo douze mille pages imprimées. A plus forte raison est-on en droit de douter que les membres de sa Commission se soient livrés eux-mêmes a ce travail gigantesque. Il n'en demeure pas moins qu'ils assument collectivement la responsabilité de tout ce que la Commission de Monsieur Bergier a publié. Ils ont non seulement été nommés pour cela, mais ils ont encore été généreusement rémunérés sur le crédit de vingt-deux millions de francs accordé par le Conseil fédéral et le Parlement, lequel a eté augmenté d'un crédit supplémentaire d'un million et auquel il conviendrait d'ajouter encore les charges liées a l'utilisation de l'infrastructure et des services de l'administration fédérale qui ne sont pas incluses dans ce décompte.
Les messieurs et madames de la Commission de Monsieur Bergier ont empochés 2'500'000 francs suisses.... 10% du crédit total accordé à la Commission de Monsieur Bergier.
Un historien, par définition, doit rester objectif. Il ne peut pas s'arroger un rôle de juge. Un historien doit raconter l'histoire, il doit analyser l'histoire, il doit la décortiquer, il doit la présenter, a nous, les néophytes, en disant "voilà, les faits, c'est comme ça." Mais l'historien, le vrai, ne juge pas, ne condamne pas, n'influence pas. Monsieur Bergier (salaire : 516'965 francs suisses) a jugé et condamné son Pays et il a été largement récompensé par l'Amérique et par notre Conseil Fédéral.
Monsieur Bergier a refusé les comparaisons, ce qui est étonnant pour un historien. Deux exemples concernant les USA sont symptomatiques à cet égard. Le premier est en rapport avec les fugitifs juifs que les Américains, contrairement à la Suisse, ont declaré ne pas être disposés à aider lors de la Conférence d'Evian sur les réfugiés en 1938; ce qui, a y regarder de plus près, a alimenté par la suite l'horrible Holocauste perpétré par les nazis. Peu après, les USA ont donné un deuxième exemple particulièrement caractéristique de leur attitude, en refoulant au printemps 1939 le paquebot Saint-Louis plein de réfugiés en provenance d'Allemagne; ce qui a livré à la merci des nazis, et à la mort pour la plupart d'entre eux, neuf cents Juifs, hommes, femmes et enfants. Cela n'excuse aucun des refoulements injustifiés à la frontière suisse, mais cela montre que d'autres pays ont fait bien pire, sans être soumis a des pressions extérieures.
Le fait que des diplomates suisses, le CICR dont le siège est en Suisse et d'autres instances opérant sous la protection de la neutralité helvétique ont sauvé de nombreuses personnes (par exemple, plus de soixante mille Juifs par le consul Carl Lutz en 1944 à Budapest) est résumé en un seule phrase dans le Rapport final de la Commission de Monsieur Jean-François Bergier, sans que le nombre de personnes sauvées soit précisé. C'est Marc-Andre Chargueraud qui a relaté ces fails importants dans un livre, La Suisse presumée coupable, paru en 2001. (JLB)
Des lors que la Commission de Monsieur Bergier reproche à la Suisse d'avoir, par ses livraisons a l'Allemagne, aidé les nazis a atteindre leurs objectifs et d'avoir contribué a prolonger la guerre, elle aurait aussi du rappeler que les Americains et les autres Allies entretenaient, avant la guerre et même apres le debut de celle-ci, d'intenses relations commerciales avec l'Allemagne nazie. A noter, en passant, que sans les contre-livraisons de l'Allemagne à la Suisse, de nombreuses personnes seraient probablement mortes de faim ou de froid chez nous.
L'historien préféré de la NZZ, Thomas Meisen, a écrit que Israel Singer a eu, dans le fond, entièrement raison en exprimant sa théorie de la neutralité comme un crime. Etonnement, il ne s'exprime pas sur la neutralité de l'Amérique jusqu'à Pearl Harbour, ni le refus des Americains d'entrer en guerre contre les nazis, (jusqu'a Pearl Harbour, ni sur le refus des Américains de faire entrer les réfugiés juifs en 1938. (JLB)
Calculation assetz simple : "America could have taken in 1'225'000 Jews because our population is 35 times that of Switzerland - actually we did not take in as many as Switzerland" (Atlantic Monthly Dec 1946, 108-109)
Jean Ziegler, 23 juillet 1998 devant le Senate Bank Committee : "The Swiss are not ordinary liars!" Senateur D'Amato : "No, they're extraordinary liars!" Et Ziegler sourit. Mais, D'Amato, la presse USA, les Senateurs et Clinton (lui de la Monique et robe bleue) et d'autres devant qui Ziegler a condamné la Suisse n'ont jamais expliqué aux Américains que Ziegler était Marxiste, et ami intime de Fidel Castro... (JLB)
13 août 1942 - le Conseil Fédéral décide de fermer complétement la frontière à tous les réfugiés civils illégaux (juifs et non-juifs). La date est importante - c'est en effet à partir de printemps-été de 1942 que la politique d'extermination des Juifs a commencé à être appliquée par l'Allemagne. En juillet 1942 la Suisse a accueilli 2'900 réfugiés juifs (Les chiffres sont ceux de la Commission de Monsieur Bergier, mais qui n'en a pas tiré la conclusion évidente) M. le Consiller Fédéral Steigger (lui qui a dit "la barque est pleine"...) et qui gérait le dossier a conseillé officieusement aux responsables de la région genevoise de ne pas appliquer la ligne officielle; ce qu'ils ont largement fait, alors comme par la suite.
Deux exemples de l'attitude de l'Amérique concernant les Juifs : le premier est en rapport avec les fugitifs juifs que les Américains, contrairement à la Suisse, ont déclaré ne pas être disposés à aider lors de la Conférence d'Evian sur les réfugiés en 1938; ce qui, à y regarder de plus près, a alimenté par la suite les horreurs de l'Holocauste perpétré par les nazis. En printemps 1938 le paquebot Saint-Louis, pleins de réfugiés juifs en provenance d'Allemagne arrive en Amérique. 900 juifs, hommes, femmes et enfants étaient refoulaient vers l'Europe par les Etats Unis...et, ben....
Carl Lutz, consul suisse à Budapest en 1944 à sauvé plus que 60'000 juifs : plus que Wallenberg, même. Le rapport de Monsieur Bergier a resumé en une seule phrase ces faits plusqu'importants sans que le nombre de personnes sauvées soit précisé.
Monsieur Bergier et les Américains ont oublié (par soucis d'objectivité) noté dans leur rapport de 12 volumes que le père de JFK, Joseph Kennedy collaborait avec le régime nazi (les affaires banquaires) jusqu'avril...1945...et ben, encore...
Le président Clinton crée le 23 juin 1998 la Presidential Advisory Commission on Holocaust Assets in the United States (PACHAUS). Son rapport sera rendu public en janvier 2001. Sa lecture reserve des surprises. On y constate que le comportement de l'administration et des banques américaines est inadmissible. II dépasse et de loin ce que l'on reproche aux Suisses. Qu'on en juge sur la base de trois exemples significatifs :
1) En juin 1941, les 565000 comptes dont les titulaires vivent en Europe occupee sont recenscés. Une banque d'information hors pair qui aurait facilement permis d'identifier les comptes en déshérence appartenant aux victimes de la Shoah. L'administration américaine les a entièrement detruits sans explication ;
2) «Aucune différence ne fut faite en ce qui concerne les actifs d'étrangers qui furent victimes de l'Holocauste.» En 1952, le temps moyen pour traiter une demande était de presque quatre années! Le rapport continue: «Du fait du coût et des difficultés d'introduire la demande, de nombreuses victimes n'ont pas soumis leur demande avant la date limite (avril 1955) et de ce fait n'ont pas reçu leurs actifs bloqués.» Le rapport ajoute qu'«une partie des dommages de guerre américains ont été payés avec des actifs allemands et que ceux-ci ont probablement inclus des actifs des victimes». Une situation révoltante qui n'émeut pas la Commission. Encore fallait-il que la victime démontre qu'elle avait un actif aux Etats-Unis. S'il s'agissait d'un héritier, il devait prouver que le titulaire du compte était mort. Le «certificat de décès» souvent introuvable.
3) La Commission présidentielle constate que de nombreux comptes ( recommande que, d'urgence, un recensement des comptes en déshérence soit entrepris et qu'il soit comparé à la base de données comptes des victimes pourraient ainsi être identifiés et les ayants droits remboursés. Autrement dit, la Commission constate que le travail de recensement des nombreux actifs dormants appartenant aux victimes de l'Holocauste, tel qu'il a été exécuté à grands frais en Suisse par le Comité Volcker, n'a pas encore commencé aux Etats Unis, quatre années après la publication du rapport...
Rickman, le bras droit de D'Amato, résume sans ménagementsce qui s'apparente plus à un lynchage juridique qu'à la justice policière d'un grand pays démocratique: «Notre but était simple. Nous allions traîner les banquiers suisses devant un tribunal. Mais pas un tribunal du type où Us étaient habitués à plaider. Devant le tribunal de l'opinion publique dont nous contrôlions l'ordre du jour. Les étions juges, jurés et bourreaux. Qu'ils le veuillent ou non, les banquiers devaient jouer suivant nos règles. Il s'avéra qu'ils n'étaient pas très habiles à ce jeu"
Si le Conseil fédéral voulait s'exprimer dans cette affaire, comme il en avait le devoir, la voie qui vient en premier lieu à l'esprit, la seule pour passer des intentions aux actes, était celle qui mène au président des Etats-Unis et/ou au secrétaire d'Etat (le ministre américain des Affaires étrangères). Au lieu de cela, Cotti se tourne vers le président du Congrès juif mondial (WJC), Bronfman, un richissime hommed'affaires et financier, qui a son bureau au dernier étage du Seagrambuilding, sur Park Avenue à New York. II s'agit de «négocier» l'affaire avec ce sieur. Cotti aurait même été reçu avec un «drink». Selon Bronfman, Cotti donnait l'impression de manquer complètement d'assurance. Le président de la Confédération chez un marchand de whisky...
Et les réfugiés? A Génève pas moins de 87% des réfugiés illégaux qui se sont présentés à la frontière genevoise ont été accueillis. Et 92% pour les candidats à l'asile de religion ou d'origine juive. On estime que 40% de tous les réfugiés civils illégaux se sont présentés à la frontière genevoise. C'est donc un grand échantillon, d'où une présomption qu'il est représentatif de la pratique sur l'ensemble de la frontière suisse. Extrapolé à l'échelle de tout le pays, un taux d'accueil de 86% signifie un total général d'environ 8300 personnes refoulées.
Pourquois les refoulements ? Pour juger les actions d'un pays, comme celles d'un individu, on d'autre que ce qu'il a fait? A cet égard, une chose n'est contestée par personne: il était exclu que la Suisse ouvre entièrement ses frontières et accueille tous les candidats à l'asile. A l'époque, il y avait en effet, en Europe occidentale, des millions de réfugiés potentiels dont beaucoup auraient, en cas d'ouverture totale de la frontière, tenté l'aventure d'un refuge en Suisse; d'où un raz-de-marée dépassant totalement les possibilités d'accueil d'un si petit pays. Une limite devait donc être fixée quelque part et des refoulements étaient dès lors inévitables, aussi douloureux que cela soit à admettre.
A lire : "La Suisse au pilori. Témoignages et bilan à la suite du rapport Bergier". Editions Cabédita
Monsieur Bergier, en empochant ses demi-million de francs suisses de salaire, a conclu que "les autorités de la Suisse ont réellement contribué à la réalisation de l'objectif des nationaux-socialistes" C'est -à-dire, en clair: l'Holocauste. Donc, la Suisse a aidé directement au massacre de millions de juifs, de tsiganes, de polonais, russes, bulgares etc. etc etc. Peut-être la Suisse était à Stalingrad, à Moscou, à Leningrad, avec les nazis? C'est clair que sans la présence embêtante de la puissance Suisse, les alliés auraient gagné la guerre avant Noël 1939......
Les troupes dans le voisinage de nos frontières permettent à tout moment une action brutale contre notre pays. Il n'y avait à proximité de nos frontières, c'est à dire dans la zone "utile" de 100-200 kilomètres, pas moins de 20 à 30 divisions (allemandes) à certains moments... (Général Guisan)
Le Conseil fédéral n'as pas jugé nécessaire d'inclure dans la Commission (Bergier) des représentants de la génération du service actif qui avaient vécu, comme adultes, la période de la guerre mondiale....
La Commission Bergier a renoncé à consulter d'éminentes personnalités avec de hautes fonctions à l'époque de la guerre. Ainsi, l'ancien conseiller fédéral Hans Schaffner et l'ancien secrétaire d'État Paul Jolles ont attendu en vain une invitation à un entretien....
Lorsque le Conseil Fédéral, sans doute "dans la meilleure des intentions", a chargé un groupe d'experts suisses et étrangers d'élaborer un rapport "indépendant" sur l'attitude de la Suisse pendant la période nazie, le seul membre suisse de ce groupe pouvant compter comme témoin de l'époque était Joseph Voyame, né en 1923. Parmi les membres étrangers de la Commission Bergier, AUCUN n'avait vécu la période de la guerre en Suisse.
Peut-être le professeur Bergier nous expliquera-t-il un jour lui-même pourquoi une commission sous sa direction (...) est parvenue a des conclusions diamétralement opposées a celles qui étaient les siennes en 1990/91. Les premiers rapports de la CIE sonnent, nous le savons bien, comme de vrais réquisitoires contre les autorités fédérales des années de guerre; des autorités qui non seulement auraient violé leur devoir de neutralité, mais auraient encore contribué - intentionnellement ou non - a ce que le régime nazi puisse atteindre ses objectifs. On est en droit de se demander si une telle auto-accusation n'a pas eu pour origine une certaine complaisance a l'égard des pressions extérieures, une complaisance qui n'est pas sans évoquer la volonté de <s'adapter> que le président de la Commission Bergier et son équipe attribuent et reprochent aux représentants de l'establishment suisse des années 1940. (Paul Stauffer - historien et ambassadeur à la retraite)
Une autre question que nous aimerions bien poser a M. Bergier personnellement concerne le prix du "Mount Scopus" qui lui a été décerné par l'Université hébraïque de Jérusalem en l'an 2000, au moment même ou sa Commission était en plein travail. Dans de telles circonstances, accepter ce prix était un geste particulièrement déplacé. II faut ajouter que le professeur se trouvait en bonne compagnie officielle: Mme Dreifuss avait reçu, en 1999 et de la même université ainsi que, l'année suivante, de celle de Haifa, les titres de docteur honoris causa. Quant a M. Cotti, (conseiller fédéral...) il n'a pas non plus été oublié. La fondation juive «Fischhof» lui a en effet remis un prix doté de cinquante mille francs. On ne peut s'empêcher de se demander ce qui était le plus déplacé: l'attribution de ce prix a un conseiller jugé opportun, en 1997 et comme président de la Confédération ainsi que ministre suisse des Affaires étrangères, d'aller a Canossa, c'est-a-dire dans le bureau privé new-yorkais d'Edgar Bronfman, président du Congres juif mondial (WJC).
Monsieur Bergier (Jean-François, donc,) professeur suisse romand d'histoire économique à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. A la veille de sa retraite il était spécialiste du Moyen Age et du début de l'ère moderne. Il était personnellement connu de quelques membres du Conseil fédéral. Donc, un intellectuel qui était grandement qualifié dans les problèmes de la Suisse, le Nazisme, et les souffrances des juifs.
Dans la commission de Monsieur Bergier il manquait des experts en droit public international et en économie politique moderne. Le seul membre qui a vécu en Suisse pendant la guerre, Joseph Voyame a démissionné en 2000 déjà....Le conseiller fédéral Hans Schaffner (1919-2004) et l'ancien secrétaire d'État Paul Jolles (1919-2000) n'ont pas été consultés.
Bergier n'a pas invité les historiens des universités romands dans sa commission. Mais la Commission de Bergier a eu beaucoup a dire sur les problèmes de réfugiés juifs en suisse romande...
A l'occasion d'un débat qui a eu lieu en janvier 2005 au Musée national suisse de Prangins dans le cadre de l'exposition «Histoire et mémoire», Monsieur Bergier a déclaré publiquement qu'il n'avait pas lu tous les textes de rapports totalisant grosso modo douze mille pages imprimées. A plus forte raison est-on en droit de douter que les membres de sa Commission se soient livrés eux-mêmes a ce travail gigantesque. Il n'en demeure pas moins qu'ils assument collectivement la responsabilité de tout ce que la Commission de Monsieur Bergier a publié. Ils ont non seulement été nommés pour cela, mais ils ont encore été généreusement rémunérés sur le crédit de vingt-deux millions de francs accordé par le Conseil fédéral et le Parlement, lequel a eté augmenté d'un crédit supplémentaire d'un million et auquel il conviendrait d'ajouter encore les charges liées a l'utilisation de l'infrastructure et des services de l'administration fédérale qui ne sont pas incluses dans ce décompte.
Les messieurs et madames de la Commission de Monsieur Bergier ont empochés 2'500'000 francs suisses.... 10% du crédit total accordé à la Commission de Monsieur Bergier.
Un historien, par définition, doit rester objectif. Il ne peut pas s'arroger un rôle de juge. Un historien doit raconter l'histoire, il doit analyser l'histoire, il doit la décortiquer, il doit la présenter, a nous, les néophytes, en disant "voilà, les faits, c'est comme ça." Mais l'historien, le vrai, ne juge pas, ne condamne pas, n'influence pas. Monsieur Bergier (salaire : 516'965 francs suisses) a jugé et condamné son Pays et il a été largement récompensé par l'Amérique et par notre Conseil Fédéral.
Monsieur Bergier a refusé les comparaisons, ce qui est étonnant pour un historien. Deux exemples concernant les USA sont symptomatiques à cet égard. Le premier est en rapport avec les fugitifs juifs que les Américains, contrairement à la Suisse, ont declaré ne pas être disposés à aider lors de la Conférence d'Evian sur les réfugiés en 1938; ce qui, a y regarder de plus près, a alimenté par la suite l'horrible Holocauste perpétré par les nazis. Peu après, les USA ont donné un deuxième exemple particulièrement caractéristique de leur attitude, en refoulant au printemps 1939 le paquebot Saint-Louis plein de réfugiés en provenance d'Allemagne; ce qui a livré à la merci des nazis, et à la mort pour la plupart d'entre eux, neuf cents Juifs, hommes, femmes et enfants. Cela n'excuse aucun des refoulements injustifiés à la frontière suisse, mais cela montre que d'autres pays ont fait bien pire, sans être soumis a des pressions extérieures.
Le fait que des diplomates suisses, le CICR dont le siège est en Suisse et d'autres instances opérant sous la protection de la neutralité helvétique ont sauvé de nombreuses personnes (par exemple, plus de soixante mille Juifs par le consul Carl Lutz en 1944 à Budapest) est résumé en un seule phrase dans le Rapport final de la Commission de Monsieur Jean-François Bergier, sans que le nombre de personnes sauvées soit précisé. C'est Marc-Andre Chargueraud qui a relaté ces fails importants dans un livre, La Suisse presumée coupable, paru en 2001. (JLB)
Des lors que la Commission de Monsieur Bergier reproche à la Suisse d'avoir, par ses livraisons a l'Allemagne, aidé les nazis a atteindre leurs objectifs et d'avoir contribué a prolonger la guerre, elle aurait aussi du rappeler que les Americains et les autres Allies entretenaient, avant la guerre et même apres le debut de celle-ci, d'intenses relations commerciales avec l'Allemagne nazie. A noter, en passant, que sans les contre-livraisons de l'Allemagne à la Suisse, de nombreuses personnes seraient probablement mortes de faim ou de froid chez nous.
L'historien préféré de la NZZ, Thomas Meisen, a écrit que Israel Singer a eu, dans le fond, entièrement raison en exprimant sa théorie de la neutralité comme un crime. Etonnement, il ne s'exprime pas sur la neutralité de l'Amérique jusqu'à Pearl Harbour, ni le refus des Americains d'entrer en guerre contre les nazis, (jusqu'a Pearl Harbour, ni sur le refus des Américains de faire entrer les réfugiés juifs en 1938. (JLB)
Calculation assetz simple : "America could have taken in 1'225'000 Jews because our population is 35 times that of Switzerland - actually we did not take in as many as Switzerland" (Atlantic Monthly Dec 1946, 108-109)
Jean Ziegler, 23 juillet 1998 devant le Senate Bank Committee : "The Swiss are not ordinary liars!" Senateur D'Amato : "No, they're extraordinary liars!" Et Ziegler sourit. Mais, D'Amato, la presse USA, les Senateurs et Clinton (lui de la Monique et robe bleue) et d'autres devant qui Ziegler a condamné la Suisse n'ont jamais expliqué aux Américains que Ziegler était Marxiste, et ami intime de Fidel Castro... (JLB)
13 août 1942 - le Conseil Fédéral décide de fermer complétement la frontière à tous les réfugiés civils illégaux (juifs et non-juifs). La date est importante - c'est en effet à partir de printemps-été de 1942 que la politique d'extermination des Juifs a commencé à être appliquée par l'Allemagne. En juillet 1942 la Suisse a accueilli 2'900 réfugiés juifs (Les chiffres sont ceux de la Commission de Monsieur Bergier, mais qui n'en a pas tiré la conclusion évidente) M. le Consiller Fédéral Steigger (lui qui a dit "la barque est pleine"...) et qui gérait le dossier a conseillé officieusement aux responsables de la région genevoise de ne pas appliquer la ligne officielle; ce qu'ils ont largement fait, alors comme par la suite.
Deux exemples de l'attitude de l'Amérique concernant les Juifs : le premier est en rapport avec les fugitifs juifs que les Américains, contrairement à la Suisse, ont déclaré ne pas être disposés à aider lors de la Conférence d'Evian sur les réfugiés en 1938; ce qui, à y regarder de plus près, a alimenté par la suite les horreurs de l'Holocauste perpétré par les nazis. En printemps 1938 le paquebot Saint-Louis, pleins de réfugiés juifs en provenance d'Allemagne arrive en Amérique. 900 juifs, hommes, femmes et enfants étaient refoulaient vers l'Europe par les Etats Unis...et, ben....
Carl Lutz, consul suisse à Budapest en 1944 à sauvé plus que 60'000 juifs : plus que Wallenberg, même. Le rapport de Monsieur Bergier a resumé en une seule phrase ces faits plusqu'importants sans que le nombre de personnes sauvées soit précisé.
Monsieur Bergier et les Américains ont oublié (par soucis d'objectivité) noté dans leur rapport de 12 volumes que le père de JFK, Joseph Kennedy collaborait avec le régime nazi (les affaires banquaires) jusqu'avril...1945...et ben, encore...
Le président Clinton crée le 23 juin 1998 la Presidential Advisory Commission on Holocaust Assets in the United States (PACHAUS). Son rapport sera rendu public en janvier 2001. Sa lecture reserve des surprises. On y constate que le comportement de l'administration et des banques américaines est inadmissible. II dépasse et de loin ce que l'on reproche aux Suisses. Qu'on en juge sur la base de trois exemples significatifs :
1) En juin 1941, les 565000 comptes dont les titulaires vivent en Europe occupee sont recenscés. Une banque d'information hors pair qui aurait facilement permis d'identifier les comptes en déshérence appartenant aux victimes de la Shoah. L'administration américaine les a entièrement detruits sans explication ;
2) «Aucune différence ne fut faite en ce qui concerne les actifs d'étrangers qui furent victimes de l'Holocauste.» En 1952, le temps moyen pour traiter une demande était de presque quatre années! Le rapport continue: «Du fait du coût et des difficultés d'introduire la demande, de nombreuses victimes n'ont pas soumis leur demande avant la date limite (avril 1955) et de ce fait n'ont pas reçu leurs actifs bloqués.» Le rapport ajoute qu'«une partie des dommages de guerre américains ont été payés avec des actifs allemands et que ceux-ci ont probablement inclus des actifs des victimes». Une situation révoltante qui n'émeut pas la Commission. Encore fallait-il que la victime démontre qu'elle avait un actif aux Etats-Unis. S'il s'agissait d'un héritier, il devait prouver que le titulaire du compte était mort. Le «certificat de décès» souvent introuvable.
3) La Commission présidentielle constate que de nombreux comptes ( recommande que, d'urgence, un recensement des comptes en déshérence soit entrepris et qu'il soit comparé à la base de données comptes des victimes pourraient ainsi être identifiés et les ayants droits remboursés. Autrement dit, la Commission constate que le travail de recensement des nombreux actifs dormants appartenant aux victimes de l'Holocauste, tel qu'il a été exécuté à grands frais en Suisse par le Comité Volcker, n'a pas encore commencé aux Etats Unis, quatre années après la publication du rapport...
Rickman, le bras droit de D'Amato, résume sans ménagementsce qui s'apparente plus à un lynchage juridique qu'à la justice policière d'un grand pays démocratique: «Notre but était simple. Nous allions traîner les banquiers suisses devant un tribunal. Mais pas un tribunal du type où Us étaient habitués à plaider. Devant le tribunal de l'opinion publique dont nous contrôlions l'ordre du jour. Les étions juges, jurés et bourreaux. Qu'ils le veuillent ou non, les banquiers devaient jouer suivant nos règles. Il s'avéra qu'ils n'étaient pas très habiles à ce jeu"
Si le Conseil fédéral voulait s'exprimer dans cette affaire, comme il en avait le devoir, la voie qui vient en premier lieu à l'esprit, la seule pour passer des intentions aux actes, était celle qui mène au président des Etats-Unis et/ou au secrétaire d'Etat (le ministre américain des Affaires étrangères). Au lieu de cela, Cotti se tourne vers le président du Congrès juif mondial (WJC), Bronfman, un richissime hommed'affaires et financier, qui a son bureau au dernier étage du Seagrambuilding, sur Park Avenue à New York. II s'agit de «négocier» l'affaire avec ce sieur. Cotti aurait même été reçu avec un «drink». Selon Bronfman, Cotti donnait l'impression de manquer complètement d'assurance. Le président de la Confédération chez un marchand de whisky...
Et les réfugiés? A Génève pas moins de 87% des réfugiés illégaux qui se sont présentés à la frontière genevoise ont été accueillis. Et 92% pour les candidats à l'asile de religion ou d'origine juive. On estime que 40% de tous les réfugiés civils illégaux se sont présentés à la frontière genevoise. C'est donc un grand échantillon, d'où une présomption qu'il est représentatif de la pratique sur l'ensemble de la frontière suisse. Extrapolé à l'échelle de tout le pays, un taux d'accueil de 86% signifie un total général d'environ 8300 personnes refoulées.
Pourquois les refoulements ? Pour juger les actions d'un pays, comme celles d'un individu, on d'autre que ce qu'il a fait? A cet égard, une chose n'est contestée par personne: il était exclu que la Suisse ouvre entièrement ses frontières et accueille tous les candidats à l'asile. A l'époque, il y avait en effet, en Europe occidentale, des millions de réfugiés potentiels dont beaucoup auraient, en cas d'ouverture totale de la frontière, tenté l'aventure d'un refuge en Suisse; d'où un raz-de-marée dépassant totalement les possibilités d'accueil d'un si petit pays. Une limite devait donc être fixée quelque part et des refoulements étaient dès lors inévitables, aussi douloureux que cela soit à admettre.
A lire : "La Suisse au pilori. Témoignages et bilan à la suite du rapport Bergier". Editions Cabédita
Livre de Philippe Marguerat
Les travaux de la «commission Bergier» n'ont pas fini d'alimenter un débat qui tourne volontiers au dialogue de sourds. H faut donc être reconnaissant aux commentateurs appliqués à remettre église au milieu du village sans céder à I la manie déplaisante des condamnations morales d acteurs qui ne sont plus là pour défendre leur honneur.
Philippe Marguerat, bon connaisseur du sujet, vient de rééditer, en les complétant et mettant à jour, une série d'études parues entre 1985 et 2002 sur nos relations économiques avec les puissances en guerre à nos frontières et au-delà. La lecture de ces deux cents pages solidement documentées est un plaisir dont nous vous recommandons de ne pas vous priver. Elles ne sont pas faciles à resumer - mais les titres de chapitres devraient suffire à retenir notre attention:
- La Suisse et la neutralité dans le domaine économique pendant la Seconde Guerre mondiale, 1940 -fin 1944
-La Banque Nationale Suisse et la posilion internationale du franc
- Or allemand - or allié, 1940-1945
-Critique de la raison historique: cornpréhension ou jugement
-La Suisse ou l'«or nazi»
-Le commerce extérieur suisse entre l'Allemagne et l'outre-mer, 1939-1945
- La Banque Nationale Suisse entre neutralité et bonne foi, 1940-1945
- Or allemand, BNS et dissuasion, 1940-1945
- Collaboration ou neutralité économique ?
Il est beaucoup question de neutralité; mais distinguons! insiste notre auteur. Il y a d'une part le droit de la neutralité, minutieusement formulée dans des conventions strictes auxquelles la Suisse s'est correctement conformée (si elle ne l'avait pas fait, les réactions étrangères auraient été rapides, et au besoin brutales). Mais il y a d'autre part la politique de la neutralité, qui peut être souple et prêter à discussion. Il n'y a là rien de condamnable à condition de maintenir, par la négociation et dans le respect de notre indépendance, l'équilibre de nos relations extérieures. C'est bien ce qui s'est passé, non sans peine parfois.
Ce qui fausse aujourd'hui le débat, c'est que la mission de la commission Bergier était limitée à nos relations avec l'Axe, alors que nous en avions autant avec les Alliés. C'est un des mérites des études de Philippe Maiguerat que d'avoir dénoncé cette inégalité dans la recherche historique sur les «années sombres». Toute autre politique pouvait nous être fatale: or nous avons échappé au pire sans perdre notre honneur, n'en déplaise à quelques spécialistes de la culpabilisation a posteriori.
Le petit volume dû à la plume de Philippe Marguerat.est un précieux réservoir d'informations puisées aux meilleures sources et d'explications sans parti pris. Il a sa place dans les bibliothèques que nous laissons à nos enfants.
Philibert Muret (La Nation)
Sans être toujours d'accord avec "La Nation", je dois avouer que certains articles, surtout les analyses historiques, sont souvent excellents. Et à vous,mes détracteurs...vous trouverez sur ce site les citations de Karl Marx et dans la catégorie "Carnets Noir" une appréciation de la vie de cet homme exceptionnel qu’était le Docteur Armand Forel... De gauche et de droite et ni de gauche, ni de droite.
Les travaux de la «commission Bergier» n'ont pas fini d'alimenter un débat qui tourne volontiers au dialogue de sourds. H faut donc être reconnaissant aux commentateurs appliqués à remettre église au milieu du village sans céder à I la manie déplaisante des condamnations morales d acteurs qui ne sont plus là pour défendre leur honneur.
Philippe Marguerat, bon connaisseur du sujet, vient de rééditer, en les complétant et mettant à jour, une série d'études parues entre 1985 et 2002 sur nos relations économiques avec les puissances en guerre à nos frontières et au-delà. La lecture de ces deux cents pages solidement documentées est un plaisir dont nous vous recommandons de ne pas vous priver. Elles ne sont pas faciles à resumer - mais les titres de chapitres devraient suffire à retenir notre attention:
- La Suisse et la neutralité dans le domaine économique pendant la Seconde Guerre mondiale, 1940 -fin 1944
-La Banque Nationale Suisse et la posilion internationale du franc
- Or allemand - or allié, 1940-1945
-Critique de la raison historique: cornpréhension ou jugement
-La Suisse ou l'«or nazi»
-Le commerce extérieur suisse entre l'Allemagne et l'outre-mer, 1939-1945
- La Banque Nationale Suisse entre neutralité et bonne foi, 1940-1945
- Or allemand, BNS et dissuasion, 1940-1945
- Collaboration ou neutralité économique ?
Il est beaucoup question de neutralité; mais distinguons! insiste notre auteur. Il y a d'une part le droit de la neutralité, minutieusement formulée dans des conventions strictes auxquelles la Suisse s'est correctement conformée (si elle ne l'avait pas fait, les réactions étrangères auraient été rapides, et au besoin brutales). Mais il y a d'autre part la politique de la neutralité, qui peut être souple et prêter à discussion. Il n'y a là rien de condamnable à condition de maintenir, par la négociation et dans le respect de notre indépendance, l'équilibre de nos relations extérieures. C'est bien ce qui s'est passé, non sans peine parfois.
Ce qui fausse aujourd'hui le débat, c'est que la mission de la commission Bergier était limitée à nos relations avec l'Axe, alors que nous en avions autant avec les Alliés. C'est un des mérites des études de Philippe Maiguerat que d'avoir dénoncé cette inégalité dans la recherche historique sur les «années sombres». Toute autre politique pouvait nous être fatale: or nous avons échappé au pire sans perdre notre honneur, n'en déplaise à quelques spécialistes de la culpabilisation a posteriori.
Le petit volume dû à la plume de Philippe Marguerat.est un précieux réservoir d'informations puisées aux meilleures sources et d'explications sans parti pris. Il a sa place dans les bibliothèques que nous laissons à nos enfants.
Philibert Muret (La Nation)
Sans être toujours d'accord avec "La Nation", je dois avouer que certains articles, surtout les analyses historiques, sont souvent excellents. Et à vous,mes détracteurs...vous trouverez sur ce site les citations de Karl Marx et dans la catégorie "Carnets Noir" une appréciation de la vie de cet homme exceptionnel qu’était le Docteur Armand Forel... De gauche et de droite et ni de gauche, ni de droite.
L'économie suisse entre l'Axe et les Alliés, 1939-1945
Auteur : Philippe Marquerat. Editions Alphil
Quelle a été la position et l’attitude de la Suisse dans le domaine économique entre les deux camps belligérants au cours de la Seconde Guerre mondiale ? A-t-elle favorisé l’Axe et prétérité les Alliés ? S’est-elle comportée en Etat neutre, respectueux des règles du droit international et des exigences de la neutralité ? Telles sont les questions qu’abordent les études réunies dans ce volume, et qui touchent aussi bien à la problématique de l’or allemand absorbé par la Banque nationale suisse qu’à celle des relations financières avec les Alliés ou à celle des relations commerciales avec l’Axe et les Alliés. Les réponses apportées s’écartent des idées diffusées depuis quelques années, mais s’appuient sur une documentation renouvelée et critiquée. ISBN: 2-940235-19-8 Prix: 35.00 CHF
Auteur : Philippe Marquerat. Editions Alphil
Quelle a été la position et l’attitude de la Suisse dans le domaine économique entre les deux camps belligérants au cours de la Seconde Guerre mondiale ? A-t-elle favorisé l’Axe et prétérité les Alliés ? S’est-elle comportée en Etat neutre, respectueux des règles du droit international et des exigences de la neutralité ? Telles sont les questions qu’abordent les études réunies dans ce volume, et qui touchent aussi bien à la problématique de l’or allemand absorbé par la Banque nationale suisse qu’à celle des relations financières avec les Alliés ou à celle des relations commerciales avec l’Axe et les Alliés. Les réponses apportées s’écartent des idées diffusées depuis quelques années, mais s’appuient sur une documentation renouvelée et critiquée. ISBN: 2-940235-19-8 Prix: 35.00 CHF
Internés et réfugiés
les militaires
La campagne de 1940 jeta sur la frontière suisse, de l'Ajoie au Jura neuchâtelois, 29'000 Français et 12'000 Polonais. Comme en 1871, ils furent autorisés à entrer en Suisse ; on dut improviser en toute hâte des camps, puis faire travailler les internés, dans l'agriculture principalement ; les étudiants furent admis dans des universités suisses. En 1941, le Conseil fédéral permit le rapatriement des Français.
Après 1943, les Italiens furent en majorité, suivis par les Polonais et les Soviétiques ; c'est la gestion de ces derniers, prisonniers évadés pour la plupart, qui fut la plus difficile : il se produisit plusieurs incidents. Quant aux aviateurs américains, ils menaient, grâce à leur solde confortable, une vie de touristes ; surtout, leur légation exigeait que la Suisse se pliât à ses règles - sur les tentatives d'évasion par exemple ; le ministre alla jusqu'à menacer Pilet-Golaz d'un bombardement par erreur.
Des maquisards français, puis italiens - 2000 partisans du Val d'Ossola, pourchassés par l'offensive allemande de l'automne 1944 - se présentèrent aux frontières. On décida de traiter en internés militaires les membres des organisations reconnues par les autorités gaullistes et italiennes. En revanche, la Suisse refoula les soldats de l'armée Vlassov - Russes qui avaient combattu avec l'Allemagne. Un groupe de 360 Caucasiens, enrôlés de gré ou de force par la Wehrmacht en 1942, arriva à Poschiavo (GR) en 1944 ; malgré les pressions soviétiques pour obtenir leur rapatriement - les intéressés n'en voulaient pas -, la Suisse refusa de les livrer ; ils restèrent jusqu'en 1948-1949, pour émigrer ensuite en Turquie ou sur le continent américain.
Les civils
Parmi les réfugiés civils, il y avait de rares « politiques », des artistes - parmi ceux qui vécurent ou passèrent par la Suisse, citons Thomas Mann, E.M. Remarque, Robert Musil, Arthur Koestler, Max Ophüls, Paul Hindemith, Ignazio Silone, Paul Klecki, Clara Haskil - des frontaliers. En 1939, ils étaient 8000, dont 5000 juifs ; en 1945, 57'000. En tout, 295'000 personnes séjournèrent en Suisse ; 150'000 enfants, dont 67'000 en provenance de France, furent accueillis dans des familles suisses, en général pour trois mois.
Certains cas posèrent problème, par exemple les dignitaires fascistes poursuivis par Mussolini après qu'ils se furent opposés à lui ; la fille du Duce, Edda Ciano, fut hébergée dans un couvent ; l'ex-ministre Dino Alfieri dut à son état de santé d'être admis. En avril 1945, Pétain fut autorisé à traverser la Suisse avant de se livrer aux autorités françaises ; la demande d'asile de Laval fut refusée.
Les juifs
Les cas les plus douloureux concernent les juifs. L'attitude de la population fut contrastée et l'on trouvera toujours un témoin pour attester l'humanité débordante de celui-ci ou la dureté révoltante de celui-là. Il existait un certain antisémitisme, déclaré ou latent, on craignait le chômage, la pénurie alimentaire ; «la barque est pleine», disait-on. Le pasteur Paul Vogt, la directrice du Service chrétien pour la paix, Gertrud Kurz à Berne, payèrent de leur personne, alors que les chefs du département de Justice et Police, Edouard von Steiger, et de la division de police, Heinrich Rothmund, eurent des comportements «administratif» ; le Conseil fédéral les suivit.
En 1938, craignant de voir la Suisse décréter l'obligation du visa pour tous ses ressortissants, le Reich entreprit des pourparlers qui aboutirent à l'apposition du fameux J sur les passeports des juifs allemands ; il semble que l'idée ait plutôt germé dans le cerveau d'un négociateur allemand, mais quoi qu'il en soit, les Suisses s'y rallièrent. Lorsque l'afflux de réfugiés devint massif, en 1942, le gouvernement durcit sa position : si l'on pouvait faire des exceptions en faveur des réfugiés politiques, on précisa que ceux qui fuyaient en raison de leur appartenance à une race ne devaient pas être considérés comme tels. Les entrées se poursuivirent malgré tout, les officiers de police étaient souvent désemparés et invoquaient la clause échappatoire de la «mesure extrêmement dure» pour renoncer au refoulement.
Connaissait-on la situation réelle ? Oui et non, car «recevoir des informations» ne signifie pas «avoir l'intime conviction». Les bruits qui commençaient à courir sur les camps de concentration étaient si horribles que beaucoup se refusaient à les croire ou les jugeaient pour le moins exagérés. Toutefois l'opinion publique s'émut lorsque la presse publia, en juin 1944, le récit de deux juifs évadés d'Auschwitz en avril, qui mentionnait chambres à gaz et fours crématoires - alors que les premiers exemplaires, parvenus à Pilet-Golaz et aux légations américaines et britannique, avaient été enfouis dans des tiroirs.
Ce furent néanmoins 22'000 juifs - dont près de 3000 sauvés des camps de Bergen-Belsen et Theresienstadt - qui furent accueillis, alors que la Suède, par comparaison, en reçut 12'000. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, puissance mandataire en Palestine, ne furent pas moins restrictifs.
Quant au nombre des refoulements, que les données officielles ont estimé pendant longtemps à 10'000, il s'élèverait, selon la commission Bergier, à 24'000 ; ce chiffre est contesté à son tour, deux études récentes avancent, pour le canton de Genève, une proportion de renvois de 8 ou 9 % seulement.
Deux Justes : Paul Grüninger et Carl Lutz
Dans la nuit du 11 au 12 mars 1938, l'Allemagne procéda à l'invasion de l'Autriche. Ceux qui se sentaient menacés, les juifs au premier chef, s'efforcèrent de fuir. Les nazis ne s'y opposèrent pas, à condition que les intéressés n'essaient pas d'emporter leurs biens ; un journal du Vorarlberg écrivit : « Le grand exode est vu d'un très bon œil par la population fidèle et patriote ». Le bureau pour l'émigration juive à Vienne, dirigé par Adolf Eichmann, traitait jusqu'à 1000 demandes par jour. La Suisse, elle, ne considéra pas les réfugiés juifs comme des politiques et les incita à retourner d'où ils venaient. Le 1er avril, le Conseil fédéral introduisit l'obligation du visa pour les Autrichiens ; toutefois, avant l'été, les renvois seront rares.
Paul-Ernst Grüninger
Grüninger est né en 1891 à Saint-Gall ; il devint, sans grande conviction, instituteur. En 1919, il entra dans la police cantonale ; en 1938, il en était le commandant. En août, les autorités allemandes poussèrent massivement les juifs vers la frontière suisse. Le 17, à l'invitation de Heinrich Rothmund, responsable de la division de police au Département fédéral, une conférence des directeurs cantonaux de police eut lieu à Berne. Grüninger y prit part au côté de son chef, le Conseiller d'Etat socialiste Valentin Keel. A la question : «Ne pouvons-nous pas améliorer l'étanchéité de nos frontières ?», Grüninger rétorqua : «Pour de simples raisons humanitaires, il est impossible de renvoyer les réfugiés (.) Si nous les refoulons, ils reviennent ''au noir'' et deviennent incontrôlables. Il est impossible de fermer hermétiquement les frontières».
Fermeture de la frontière suisse
C'est pourtant la décision que le Conseil fédéral prend le 19. Voyant la misère des candidats à l'asile, et conscient que la mesure ne suffit de toute façon pas à stopper les entrées illégales, Grüninger se considère comme mandaté par son supérieur pour appliquer librement les directives fédérales, voire les ignorer. Il n'est pas seul : un employé de l'agence consulaire de Bregenz fait passer des juifs en les prenant dans sa propre voiture ; comme il est connu des douaniers, on le laisse passer avec son «chargement».Le consul de Suisse à Vienne avoue avoir délivré 500 visas pour des raisons humanitaires. A Bâle, il arrive aussi qu'on contrevienne à l'ordonnance fédérale.
Crime ...
A la fin de l'année, l'Allemagne a changé d'attitude ; elle empêche le passage illégal par le Rheintal. L'action du capitaine Grüninger revêt trois formes : il ferme les yeux sur les entrées illégales, il entreprend des démarches pour un accueil en bonne et due forme, il modifie - donc falsifie - les documents : il appose une date d'entrée antérieure au 18 août sur les papiers qu'il délivre. Dans un autre cas, il envoie une citation à comparaître, dans son bureau de Saint-Gall, à un couple auquel le visa avait été refusé ; la citation servira de document d'entrée. Les choses allaient inévitablement se savoir : des réfugiés parlaient, la police fédérale avait des indicateurs, des organisations d'extrême-droite veillaient. Fait plus grave, il semble que des juifs eux-mêmes alertèrent Berne. Il faut dire que l'administration fédérale faisait payer tous les frais des réfugiés juifs à leurs coreligionnaires établis en Suisse.
... et châtiment
Le Conseiller d'Etat Keel dut se justifier et fit ouvrir une enquête, qui confirma les soupçons : «Paul Grüninger ne savait pas dire non». Le 3 avril 1939, il fut interdit de bureau. Dès lors, il fut «filé» par des policiers, son courrier et son téléphone surveillés ; les accusations les plus grotesques circulèrent : corruption, pression sur des réfugiées pour obtenir leurs faveurs, sympathies nazies même. Valentin Keel qui, jusqu'alors, avait protégé Grüninger, le désavoua. Le procès eut lieu en 1940 : Paul Grüninger fut condamné à une amende de 300 francs et à la plus grande partie des frais pour violation du devoir de fonction. La peine, en soi, n'était pas lourde : mais il restait la condamnation morale et une situation économique très précaire ; Grüninger vécut désormais d'emplois occasionnels et si, dans les années 50, il fut de nouveau autorisé à enseigner, ce fut à titre intérimaire. Pendant 30 ans, les efforts pour sa réhabilitation échouèrent. Toutefois, les témoignages de ceux qu'il avait sauvés se multipliant, le Conseil d'Etat lui écrivit en 1970 pour lui «témoigner ouvertement sa reconnaissance pour son attitude humaine d'alors». Mais il ne fut pas question de lui accorder une indemnité. En revanche, Israël lui décerna en 1971 la médaille des Justes et plusieurs arbres furent plantés en son honneur.
Réhabilitation posthume
Il mourut en 1972 et ce n'est que dans les années 1990 que sa mémoire a été pleinement réhabilitée. Il n'est pas possible de connaître le nombre des personnes qu'il a sauvées ; selon Dreifuss, 135 à 170 questionnaires auraient été «retouchés».
Carl Lutz
Consul à Budapest, Carl Lutz (1895-1975) aida, de 1942 à 1944, 10’000 émigrants à gagner la Palestine. Lorsque l’Allemagne occupa la Hongrie, en mars 1944, il multiplia les sauf-conduits et, avec l’appui du nonce apostolique, du diplomate suédois Wallenberg et du délégué du CICR Born, logea 30’000 juifs dans 76 «maisons protégées», pour lesquelles il obtint l’exterritorialité, intervenant sans relâche, parfois au péril de sa vie, auprès des nazis tant allemands que hongrois. Plus de 60’000 juifs furent ainsi sauvés de la déportation ou des massacres. Après la guerre, Lutz reçut la médaille des Justes et la bourgeoisie d’honneur de sa commune appenzelloise. Le Conseil fédéral, lui, lança une enquête administrative sur la légation à Budapest, pour avoir outrepassé ses pouvoirs ; il n’y eut toutefois pas de sanction.
Bibliographie Stefan Keller, Délit d'humanité, Lausanne 1994 / Theo Tschuy, Diplomatie dangereuse, Genève 2004
Tiré du site web : www.memo.fr
les militaires
La campagne de 1940 jeta sur la frontière suisse, de l'Ajoie au Jura neuchâtelois, 29'000 Français et 12'000 Polonais. Comme en 1871, ils furent autorisés à entrer en Suisse ; on dut improviser en toute hâte des camps, puis faire travailler les internés, dans l'agriculture principalement ; les étudiants furent admis dans des universités suisses. En 1941, le Conseil fédéral permit le rapatriement des Français.
Après 1943, les Italiens furent en majorité, suivis par les Polonais et les Soviétiques ; c'est la gestion de ces derniers, prisonniers évadés pour la plupart, qui fut la plus difficile : il se produisit plusieurs incidents. Quant aux aviateurs américains, ils menaient, grâce à leur solde confortable, une vie de touristes ; surtout, leur légation exigeait que la Suisse se pliât à ses règles - sur les tentatives d'évasion par exemple ; le ministre alla jusqu'à menacer Pilet-Golaz d'un bombardement par erreur.
Des maquisards français, puis italiens - 2000 partisans du Val d'Ossola, pourchassés par l'offensive allemande de l'automne 1944 - se présentèrent aux frontières. On décida de traiter en internés militaires les membres des organisations reconnues par les autorités gaullistes et italiennes. En revanche, la Suisse refoula les soldats de l'armée Vlassov - Russes qui avaient combattu avec l'Allemagne. Un groupe de 360 Caucasiens, enrôlés de gré ou de force par la Wehrmacht en 1942, arriva à Poschiavo (GR) en 1944 ; malgré les pressions soviétiques pour obtenir leur rapatriement - les intéressés n'en voulaient pas -, la Suisse refusa de les livrer ; ils restèrent jusqu'en 1948-1949, pour émigrer ensuite en Turquie ou sur le continent américain.
Les civils
Parmi les réfugiés civils, il y avait de rares « politiques », des artistes - parmi ceux qui vécurent ou passèrent par la Suisse, citons Thomas Mann, E.M. Remarque, Robert Musil, Arthur Koestler, Max Ophüls, Paul Hindemith, Ignazio Silone, Paul Klecki, Clara Haskil - des frontaliers. En 1939, ils étaient 8000, dont 5000 juifs ; en 1945, 57'000. En tout, 295'000 personnes séjournèrent en Suisse ; 150'000 enfants, dont 67'000 en provenance de France, furent accueillis dans des familles suisses, en général pour trois mois.
Certains cas posèrent problème, par exemple les dignitaires fascistes poursuivis par Mussolini après qu'ils se furent opposés à lui ; la fille du Duce, Edda Ciano, fut hébergée dans un couvent ; l'ex-ministre Dino Alfieri dut à son état de santé d'être admis. En avril 1945, Pétain fut autorisé à traverser la Suisse avant de se livrer aux autorités françaises ; la demande d'asile de Laval fut refusée.
Les juifs
Les cas les plus douloureux concernent les juifs. L'attitude de la population fut contrastée et l'on trouvera toujours un témoin pour attester l'humanité débordante de celui-ci ou la dureté révoltante de celui-là. Il existait un certain antisémitisme, déclaré ou latent, on craignait le chômage, la pénurie alimentaire ; «la barque est pleine», disait-on. Le pasteur Paul Vogt, la directrice du Service chrétien pour la paix, Gertrud Kurz à Berne, payèrent de leur personne, alors que les chefs du département de Justice et Police, Edouard von Steiger, et de la division de police, Heinrich Rothmund, eurent des comportements «administratif» ; le Conseil fédéral les suivit.
En 1938, craignant de voir la Suisse décréter l'obligation du visa pour tous ses ressortissants, le Reich entreprit des pourparlers qui aboutirent à l'apposition du fameux J sur les passeports des juifs allemands ; il semble que l'idée ait plutôt germé dans le cerveau d'un négociateur allemand, mais quoi qu'il en soit, les Suisses s'y rallièrent. Lorsque l'afflux de réfugiés devint massif, en 1942, le gouvernement durcit sa position : si l'on pouvait faire des exceptions en faveur des réfugiés politiques, on précisa que ceux qui fuyaient en raison de leur appartenance à une race ne devaient pas être considérés comme tels. Les entrées se poursuivirent malgré tout, les officiers de police étaient souvent désemparés et invoquaient la clause échappatoire de la «mesure extrêmement dure» pour renoncer au refoulement.
Connaissait-on la situation réelle ? Oui et non, car «recevoir des informations» ne signifie pas «avoir l'intime conviction». Les bruits qui commençaient à courir sur les camps de concentration étaient si horribles que beaucoup se refusaient à les croire ou les jugeaient pour le moins exagérés. Toutefois l'opinion publique s'émut lorsque la presse publia, en juin 1944, le récit de deux juifs évadés d'Auschwitz en avril, qui mentionnait chambres à gaz et fours crématoires - alors que les premiers exemplaires, parvenus à Pilet-Golaz et aux légations américaines et britannique, avaient été enfouis dans des tiroirs.
Ce furent néanmoins 22'000 juifs - dont près de 3000 sauvés des camps de Bergen-Belsen et Theresienstadt - qui furent accueillis, alors que la Suède, par comparaison, en reçut 12'000. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, puissance mandataire en Palestine, ne furent pas moins restrictifs.
Quant au nombre des refoulements, que les données officielles ont estimé pendant longtemps à 10'000, il s'élèverait, selon la commission Bergier, à 24'000 ; ce chiffre est contesté à son tour, deux études récentes avancent, pour le canton de Genève, une proportion de renvois de 8 ou 9 % seulement.
Deux Justes : Paul Grüninger et Carl Lutz
Dans la nuit du 11 au 12 mars 1938, l'Allemagne procéda à l'invasion de l'Autriche. Ceux qui se sentaient menacés, les juifs au premier chef, s'efforcèrent de fuir. Les nazis ne s'y opposèrent pas, à condition que les intéressés n'essaient pas d'emporter leurs biens ; un journal du Vorarlberg écrivit : « Le grand exode est vu d'un très bon œil par la population fidèle et patriote ». Le bureau pour l'émigration juive à Vienne, dirigé par Adolf Eichmann, traitait jusqu'à 1000 demandes par jour. La Suisse, elle, ne considéra pas les réfugiés juifs comme des politiques et les incita à retourner d'où ils venaient. Le 1er avril, le Conseil fédéral introduisit l'obligation du visa pour les Autrichiens ; toutefois, avant l'été, les renvois seront rares.
Paul-Ernst Grüninger
Grüninger est né en 1891 à Saint-Gall ; il devint, sans grande conviction, instituteur. En 1919, il entra dans la police cantonale ; en 1938, il en était le commandant. En août, les autorités allemandes poussèrent massivement les juifs vers la frontière suisse. Le 17, à l'invitation de Heinrich Rothmund, responsable de la division de police au Département fédéral, une conférence des directeurs cantonaux de police eut lieu à Berne. Grüninger y prit part au côté de son chef, le Conseiller d'Etat socialiste Valentin Keel. A la question : «Ne pouvons-nous pas améliorer l'étanchéité de nos frontières ?», Grüninger rétorqua : «Pour de simples raisons humanitaires, il est impossible de renvoyer les réfugiés (.) Si nous les refoulons, ils reviennent ''au noir'' et deviennent incontrôlables. Il est impossible de fermer hermétiquement les frontières».
Fermeture de la frontière suisse
C'est pourtant la décision que le Conseil fédéral prend le 19. Voyant la misère des candidats à l'asile, et conscient que la mesure ne suffit de toute façon pas à stopper les entrées illégales, Grüninger se considère comme mandaté par son supérieur pour appliquer librement les directives fédérales, voire les ignorer. Il n'est pas seul : un employé de l'agence consulaire de Bregenz fait passer des juifs en les prenant dans sa propre voiture ; comme il est connu des douaniers, on le laisse passer avec son «chargement».Le consul de Suisse à Vienne avoue avoir délivré 500 visas pour des raisons humanitaires. A Bâle, il arrive aussi qu'on contrevienne à l'ordonnance fédérale.
Crime ...
A la fin de l'année, l'Allemagne a changé d'attitude ; elle empêche le passage illégal par le Rheintal. L'action du capitaine Grüninger revêt trois formes : il ferme les yeux sur les entrées illégales, il entreprend des démarches pour un accueil en bonne et due forme, il modifie - donc falsifie - les documents : il appose une date d'entrée antérieure au 18 août sur les papiers qu'il délivre. Dans un autre cas, il envoie une citation à comparaître, dans son bureau de Saint-Gall, à un couple auquel le visa avait été refusé ; la citation servira de document d'entrée. Les choses allaient inévitablement se savoir : des réfugiés parlaient, la police fédérale avait des indicateurs, des organisations d'extrême-droite veillaient. Fait plus grave, il semble que des juifs eux-mêmes alertèrent Berne. Il faut dire que l'administration fédérale faisait payer tous les frais des réfugiés juifs à leurs coreligionnaires établis en Suisse.
... et châtiment
Le Conseiller d'Etat Keel dut se justifier et fit ouvrir une enquête, qui confirma les soupçons : «Paul Grüninger ne savait pas dire non». Le 3 avril 1939, il fut interdit de bureau. Dès lors, il fut «filé» par des policiers, son courrier et son téléphone surveillés ; les accusations les plus grotesques circulèrent : corruption, pression sur des réfugiées pour obtenir leurs faveurs, sympathies nazies même. Valentin Keel qui, jusqu'alors, avait protégé Grüninger, le désavoua. Le procès eut lieu en 1940 : Paul Grüninger fut condamné à une amende de 300 francs et à la plus grande partie des frais pour violation du devoir de fonction. La peine, en soi, n'était pas lourde : mais il restait la condamnation morale et une situation économique très précaire ; Grüninger vécut désormais d'emplois occasionnels et si, dans les années 50, il fut de nouveau autorisé à enseigner, ce fut à titre intérimaire. Pendant 30 ans, les efforts pour sa réhabilitation échouèrent. Toutefois, les témoignages de ceux qu'il avait sauvés se multipliant, le Conseil d'Etat lui écrivit en 1970 pour lui «témoigner ouvertement sa reconnaissance pour son attitude humaine d'alors». Mais il ne fut pas question de lui accorder une indemnité. En revanche, Israël lui décerna en 1971 la médaille des Justes et plusieurs arbres furent plantés en son honneur.
Réhabilitation posthume
Il mourut en 1972 et ce n'est que dans les années 1990 que sa mémoire a été pleinement réhabilitée. Il n'est pas possible de connaître le nombre des personnes qu'il a sauvées ; selon Dreifuss, 135 à 170 questionnaires auraient été «retouchés».
Carl Lutz
Consul à Budapest, Carl Lutz (1895-1975) aida, de 1942 à 1944, 10’000 émigrants à gagner la Palestine. Lorsque l’Allemagne occupa la Hongrie, en mars 1944, il multiplia les sauf-conduits et, avec l’appui du nonce apostolique, du diplomate suédois Wallenberg et du délégué du CICR Born, logea 30’000 juifs dans 76 «maisons protégées», pour lesquelles il obtint l’exterritorialité, intervenant sans relâche, parfois au péril de sa vie, auprès des nazis tant allemands que hongrois. Plus de 60’000 juifs furent ainsi sauvés de la déportation ou des massacres. Après la guerre, Lutz reçut la médaille des Justes et la bourgeoisie d’honneur de sa commune appenzelloise. Le Conseil fédéral, lui, lança une enquête administrative sur la légation à Budapest, pour avoir outrepassé ses pouvoirs ; il n’y eut toutefois pas de sanction.
Bibliographie Stefan Keller, Délit d'humanité, Lausanne 1994 / Theo Tschuy, Diplomatie dangereuse, Genève 2004
Tiré du site web : www.memo.fr
1939-1945 - Les suisses ont été courageux
C'est un pays méconnu, peuplé de partisans convaincus de la cause alliée, que le journaliste français Jean-Pierre Richardot nous fait découvrir dans un ouvrage consacré à l'attitude des Suisses de 1940 à 1944...
A bientôt 73 ans, Jean-Pierre Richardot n'a rien perdu de sa combativité. Ancien collaborateur du Monde, de L'Express et de diverses chaînes de télévision, il a livré plusieurs batailles au cours de sa vie, en faveur de la décolonisation, de l'indépendance de la radio et de la télévision, de la régionalisation en France. Son dernier combat, c'est en faveur de la Suisse ou plutôt du peuple suisse qu'il le mène.
Réfugié dans le canton de Vaud pendant la guerre, il s'insurge contre la réputation d'immoralité et de cynisme qui est, depuis l'affaire des fonds juifs, celle du pays qui l'a accueilli. «Les Suisses ont oublié leur passé», déplore-t-il dans l'enquête fouillée qu'il vient de publier et où il dépeint un pays qui, loin de pactiser avec les nazis, a été un carrefour de la Résistance européenne.
Jean-Pierre Richardot, pourquoi ce livre en forme de plaidoyer pour la Suisse?
C'est le procès Papon qui m'a mis en colère. Il y a une légende qui circule en France, notamment dans la génération de mes enfants, et qui dit que les Français n'auraient pas été dignes durant la guerre, qu'ils n'auraient été qu'un ramassis de pétainistes faisant du marché noir.
»La même chose est arrivée avec le peuple suisse au moment de l'affaire des fonds juifs. On lui reproche aujourd'hui d'avoir aidé les nazis, d'avoir été régi par des banquiers cyniques. Mais ce n'est pas vrai. Je peux en témoigner. J'étais un adolescent lorsque j'ai été accueilli chez vous entre 1942 et 1945. A La Sarraz, au cœur du pays de Vaud où j'ai vécu, il n'y avait personne qui était pour les Allemands.
Mais votre livre n'est pas qu'un simple ouvrage de souvenirs.
C'est une enquête. J'ai consulté les archives, entendu des témoins. procédé à des recoupements. Je suis journaliste. J'ai une vocation de recherche de la vérité. Je ne pouvais pas accepter le triomphe des faux témoignages. J'ai voulu rendre justice au peuple suisse qui, dans son écrasante majorité, a été courageux et résolu pendant la guerre. Les banquiers ne sont pas le peuple suisse.
»Cela dit, mon livre n'est pas qu'un plaidoyer. Je ne cache pas les zones d'ombre, comme les refoulements couramment pratiqués par les autorités, ni l'attitude méprisable de certains policiers ou militaires qui dépouillaient les réfugiés avant de les expulser. Je ne suis pas tendre non plus avec les douaniers qui appliquaient les règlements à la lettre, entravant ainsi le travail des services de renseignements.
Il est quand même curieux qu'un Français vienne laver l'honneur des Suisses.
C'est assez normal. Les gens ne se voient plus eux-mêmes. Il est bien connu que lorsque l'on sort, lorsqu'on voyage et que l'on retourne chez soi, on a un œil neuf. Un regard extérieur est parfois fort utile. Et puis, si je ne suis pas Suisse, je connais bien votre pays.
On découvre grâce à vous que la Suisse a été une plaque tournante de la Résistance.
Oui. Elle a été le carrefour de la Résistance européenne. Je le montre bien en citant l'exemple du Français Michel Hollard qui, avec l'aide de quelques Suisses, a pu remettre au bureau de l'Intelligence Service britannique à Lausanne les plans des sites de lancement des fusées allemandes V1. Il est ainsi devenu l'homme qui a sauvé Londres.
Des résistants français vous ont encouragé à écrire ce livre.
La Résistance française est unanime. Elle est foncièrement helvétophile, de manière presque exagérée d'ailleurs. Pour elle, la Suisse est un mythe et elle lui voue une reconnaissance énorme.
»Ce que les anciens résistants que j'ai interrogés voient avant tout, c'est l'accueil qu'ils ont reçu en Suisse où ils ont été nourris et rétribués par le Service de renseignements. L'un d'eux m'a d'ailleurs confié qu'il aurait aimé être entendu par la Commission Bergier
Une commission dont les conclusions ne sont pas tout à fait les mêmes que les vôtres...
La commission Bergier n'a dit que des choses exactes. Mais le portrait qu'elle fait de la Suisse est très incomplet. Je l'accuse de n'avoir jamais vu ni compris que le peuple suisse était pour les Alliés, de n'avoir pas fait un travail historique sérieux, en replaçant le pays dans le contexte européen de l'époque.
»Lorsqu'elle évoque le capitaine Hans Hausamann, le plus grand résistant suisse, elle se borne, sur la base d'une seule lettre, à le présenter comme un vulgaire antisémite. Si je n'avais pas rétabli les faits, c'est cette image de raciste qui se serait imposée aux chercheurs de demain.
Qui était cet homme mal connu que vous n'hésitez pas à décrire comme un de Gaulle suisse?
Ce photographe saint-gallois, radical et franc-maçon, a largement contribué à une ouverture de la Suisse sur le monde allié et la Résistance européenne. Il s'est, tout au long de la guerre, opposé à l'action d'une partie du gouvernement et notamment à celle de Marcel Pilet-Golaz. C'était aussi un visionnaire. Dans un rapport du 23 juin 1940, il prévoyait déjà l'entrée en guerre des Etats-Unis et la rupture du pacte germano-soviétique.
Vous dites qu'il était à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'appareil d'Etat et de l'armée...
Militaire non conformiste, il avait créé avant la guerre un réseau privé d'espionnage. Celui-ci a, dès le début du conflit, été intégré au Service de renseignements de l'état-major. Proche du général Guisan et des conseillers fédéraux Minger et Kobelt, Hausamann a toutefois toujours adopté une attitude très indépendante à l'égard des autorités et des institutions. Lui et ses amis se qualifiaient d'ailleurs eux-mêmes des «subordonnés récalcitrants».
Comment cela a-t-il été possible?
Il y avait un immense compartimentage, pour des raisons de bons sens et de sécurité, entre l'état-major d'Interlaken et les agents du Service de renseignements à la base. Lorsque les Allemands se plaignaient auprès du lieutenant-colonel Masson, le chef des services secrets de l'armée, celui-ci pouvait dire qu'il n'était pas au courant. Il pouvait jouer cette comédie parce qu'il laissait la bride à ses agents.
Parmi ces Suisses qui ont résisté, vous citez beaucoup d'anonymes, mais aussi l'ancien ambassadeur August Lindt et même le fondateur de Migros Gottlieb Duttweiler.
August Lindt a pris part au complot des jeunes officiers qui, en été 1940, ont refusé de céder au défaitisme et pensaient même renverser le gouvernement. Il a aussi participé à la création de l'organisation civile de résistance «Aktion Nationaler Widerstand» et a joué un rôle important au sein d'Armée et foyer, un service qui organisait des conférences très favorables aux Alliés.
»Quant à Duttweiler, c'est lui que j'appelle l'épicier missionnaire. Un homme possédant du punch et que l'on pourrait comparer physiquement à Churchill ou à Paul-Henri Spaak, le fondateur du Benelux. Il a été l'un de ceux qui, au Parlement, se sont violemment opposés en juin 1940, au lendemain du discours du président Pilet-Golaz, à l'adaptation à l'Europe nouvelle. Il était d'avis qu'il fallait tenir tête aux aux Allemands et aux nazis, ceux-ci attaquant systématiquement les faibles qui cherchaient des arrangements.
Bien peu d'hommes et de femmes auxquels vous rendez hommage ont pourtant reçu une reconnaissance officielle.
La Confédération ne leur a généralement jamais dit merci. Il aura fallu la plupart du temps que leur nom soit gravé dans le marbre du monument dédié aux «justes» du mont Yad Vashem à Jérusalem pour qu'on ne les oublie pas.
»C'est le cas de Fred Reymond, le responsable du Service de renseignements suisse dans la Vallée de Joux, l'animateur de la résistance dans cette zone frontalière, le protecteur des fugitifs traqués. Il n'a été reconnu dans sa commune que bien après l'avoir été à Jérusalem.
Comment expliquer cette attitude?
Cela vient de ce que la Suisse est une très authentique démocratie et qu'elle n'aime pas trop les gens qui se distinguent. Cela a des avantages, mais aussi des inconvénients. Elle a en effet la même attitude à l'égard de ses créateurs et de ses hommes de talent. C'est peut-être un peu dur, mais les Suisses de génie sont en général ou ignorés ou écartés ou inquiétés.
»Beaucoup de résistants dont je parle ont été oubliés, déconsidérés et parfois même maltraités, en raison notamment d'un attachement à une neutralité dogmatique, bureaucratique et archaïque, une neutralité qui n'a d'ailleurs plus vraiment de raison d'être actuellement.
Vous êtes sévère à l'égard de la neutralité.
Oui, je pense que les Suisses ont tort de s'entêter dans une histoire de neutralité qui est une ancienne création franco-autrichienne et qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. La chute du Mur de Berlin et la disparition de l'URSS l'ont vidée de toute signification.
La Suisse s'est-elle mal défendue dans l'affaire des fonds juifs?
Elle s'est extrêmement mal défendue. Cette affaire aurait pu être réglée beaucoup plus tôt et beaucoup mieux, sans calomnie et sans préjudice pour le peuple. La raison probable doit être recherchée dans le fait que ses dirigeants sont là pour coordonner, pour gérer, mais pas pour imprimer une politique. En cas de crise, ce système très libéral, qui est tout à fait louable en soi, montre ses faiblesses.
»La Suisse pratique un libéralisme anglo-saxon, mais un peu à la façon du XIXe siècle. Je crois qu'on ne peut la comprendre qu'en la comparant à l'Angleterre. Elle s'est comportée comme une île, alors qu'elle est un carrefour.
Comment voyez-vous son avenir?
La Suisse a eu sa période de réussite grâce aux conflits permanents sur le continent européen. C'est la division de l'Europe qui lui a donné sa position spéciale. Elle s'est découvert des devoirs, a idéalisé cette situation qui est d'ordre géographique, idéalisation qui a donné naissance à la Croix-Rouge et à la Société des Nations.
»La réconciliation générale de l'Europe fait qu'elle n'a plus rien à proposer, à moins qu'elle n'apporte et vulgarise ce fédéralisme qui manque singulièrement à l'Union européenne. Mais pour cela, il faut qu'en se tournant vers l'Europe elle soit elle-même.
Propos recueillis par Marie-Jeanne Krill
A lire: «Une autre Suisse, 1940-1944. Un bastion contre l'Allemagne nazie», Jean-Pierre Richardot, Labor et Fides/Editions du Félin, 2002
C'est un pays méconnu, peuplé de partisans convaincus de la cause alliée, que le journaliste français Jean-Pierre Richardot nous fait découvrir dans un ouvrage consacré à l'attitude des Suisses de 1940 à 1944...
A bientôt 73 ans, Jean-Pierre Richardot n'a rien perdu de sa combativité. Ancien collaborateur du Monde, de L'Express et de diverses chaînes de télévision, il a livré plusieurs batailles au cours de sa vie, en faveur de la décolonisation, de l'indépendance de la radio et de la télévision, de la régionalisation en France. Son dernier combat, c'est en faveur de la Suisse ou plutôt du peuple suisse qu'il le mène.
Réfugié dans le canton de Vaud pendant la guerre, il s'insurge contre la réputation d'immoralité et de cynisme qui est, depuis l'affaire des fonds juifs, celle du pays qui l'a accueilli. «Les Suisses ont oublié leur passé», déplore-t-il dans l'enquête fouillée qu'il vient de publier et où il dépeint un pays qui, loin de pactiser avec les nazis, a été un carrefour de la Résistance européenne.
Jean-Pierre Richardot, pourquoi ce livre en forme de plaidoyer pour la Suisse?
C'est le procès Papon qui m'a mis en colère. Il y a une légende qui circule en France, notamment dans la génération de mes enfants, et qui dit que les Français n'auraient pas été dignes durant la guerre, qu'ils n'auraient été qu'un ramassis de pétainistes faisant du marché noir.
»La même chose est arrivée avec le peuple suisse au moment de l'affaire des fonds juifs. On lui reproche aujourd'hui d'avoir aidé les nazis, d'avoir été régi par des banquiers cyniques. Mais ce n'est pas vrai. Je peux en témoigner. J'étais un adolescent lorsque j'ai été accueilli chez vous entre 1942 et 1945. A La Sarraz, au cœur du pays de Vaud où j'ai vécu, il n'y avait personne qui était pour les Allemands.
Mais votre livre n'est pas qu'un simple ouvrage de souvenirs.
C'est une enquête. J'ai consulté les archives, entendu des témoins. procédé à des recoupements. Je suis journaliste. J'ai une vocation de recherche de la vérité. Je ne pouvais pas accepter le triomphe des faux témoignages. J'ai voulu rendre justice au peuple suisse qui, dans son écrasante majorité, a été courageux et résolu pendant la guerre. Les banquiers ne sont pas le peuple suisse.
»Cela dit, mon livre n'est pas qu'un plaidoyer. Je ne cache pas les zones d'ombre, comme les refoulements couramment pratiqués par les autorités, ni l'attitude méprisable de certains policiers ou militaires qui dépouillaient les réfugiés avant de les expulser. Je ne suis pas tendre non plus avec les douaniers qui appliquaient les règlements à la lettre, entravant ainsi le travail des services de renseignements.
Il est quand même curieux qu'un Français vienne laver l'honneur des Suisses.
C'est assez normal. Les gens ne se voient plus eux-mêmes. Il est bien connu que lorsque l'on sort, lorsqu'on voyage et que l'on retourne chez soi, on a un œil neuf. Un regard extérieur est parfois fort utile. Et puis, si je ne suis pas Suisse, je connais bien votre pays.
On découvre grâce à vous que la Suisse a été une plaque tournante de la Résistance.
Oui. Elle a été le carrefour de la Résistance européenne. Je le montre bien en citant l'exemple du Français Michel Hollard qui, avec l'aide de quelques Suisses, a pu remettre au bureau de l'Intelligence Service britannique à Lausanne les plans des sites de lancement des fusées allemandes V1. Il est ainsi devenu l'homme qui a sauvé Londres.
Des résistants français vous ont encouragé à écrire ce livre.
La Résistance française est unanime. Elle est foncièrement helvétophile, de manière presque exagérée d'ailleurs. Pour elle, la Suisse est un mythe et elle lui voue une reconnaissance énorme.
»Ce que les anciens résistants que j'ai interrogés voient avant tout, c'est l'accueil qu'ils ont reçu en Suisse où ils ont été nourris et rétribués par le Service de renseignements. L'un d'eux m'a d'ailleurs confié qu'il aurait aimé être entendu par la Commission Bergier
Une commission dont les conclusions ne sont pas tout à fait les mêmes que les vôtres...
La commission Bergier n'a dit que des choses exactes. Mais le portrait qu'elle fait de la Suisse est très incomplet. Je l'accuse de n'avoir jamais vu ni compris que le peuple suisse était pour les Alliés, de n'avoir pas fait un travail historique sérieux, en replaçant le pays dans le contexte européen de l'époque.
»Lorsqu'elle évoque le capitaine Hans Hausamann, le plus grand résistant suisse, elle se borne, sur la base d'une seule lettre, à le présenter comme un vulgaire antisémite. Si je n'avais pas rétabli les faits, c'est cette image de raciste qui se serait imposée aux chercheurs de demain.
Qui était cet homme mal connu que vous n'hésitez pas à décrire comme un de Gaulle suisse?
Ce photographe saint-gallois, radical et franc-maçon, a largement contribué à une ouverture de la Suisse sur le monde allié et la Résistance européenne. Il s'est, tout au long de la guerre, opposé à l'action d'une partie du gouvernement et notamment à celle de Marcel Pilet-Golaz. C'était aussi un visionnaire. Dans un rapport du 23 juin 1940, il prévoyait déjà l'entrée en guerre des Etats-Unis et la rupture du pacte germano-soviétique.
Vous dites qu'il était à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'appareil d'Etat et de l'armée...
Militaire non conformiste, il avait créé avant la guerre un réseau privé d'espionnage. Celui-ci a, dès le début du conflit, été intégré au Service de renseignements de l'état-major. Proche du général Guisan et des conseillers fédéraux Minger et Kobelt, Hausamann a toutefois toujours adopté une attitude très indépendante à l'égard des autorités et des institutions. Lui et ses amis se qualifiaient d'ailleurs eux-mêmes des «subordonnés récalcitrants».
Comment cela a-t-il été possible?
Il y avait un immense compartimentage, pour des raisons de bons sens et de sécurité, entre l'état-major d'Interlaken et les agents du Service de renseignements à la base. Lorsque les Allemands se plaignaient auprès du lieutenant-colonel Masson, le chef des services secrets de l'armée, celui-ci pouvait dire qu'il n'était pas au courant. Il pouvait jouer cette comédie parce qu'il laissait la bride à ses agents.
Parmi ces Suisses qui ont résisté, vous citez beaucoup d'anonymes, mais aussi l'ancien ambassadeur August Lindt et même le fondateur de Migros Gottlieb Duttweiler.
August Lindt a pris part au complot des jeunes officiers qui, en été 1940, ont refusé de céder au défaitisme et pensaient même renverser le gouvernement. Il a aussi participé à la création de l'organisation civile de résistance «Aktion Nationaler Widerstand» et a joué un rôle important au sein d'Armée et foyer, un service qui organisait des conférences très favorables aux Alliés.
»Quant à Duttweiler, c'est lui que j'appelle l'épicier missionnaire. Un homme possédant du punch et que l'on pourrait comparer physiquement à Churchill ou à Paul-Henri Spaak, le fondateur du Benelux. Il a été l'un de ceux qui, au Parlement, se sont violemment opposés en juin 1940, au lendemain du discours du président Pilet-Golaz, à l'adaptation à l'Europe nouvelle. Il était d'avis qu'il fallait tenir tête aux aux Allemands et aux nazis, ceux-ci attaquant systématiquement les faibles qui cherchaient des arrangements.
Bien peu d'hommes et de femmes auxquels vous rendez hommage ont pourtant reçu une reconnaissance officielle.
La Confédération ne leur a généralement jamais dit merci. Il aura fallu la plupart du temps que leur nom soit gravé dans le marbre du monument dédié aux «justes» du mont Yad Vashem à Jérusalem pour qu'on ne les oublie pas.
»C'est le cas de Fred Reymond, le responsable du Service de renseignements suisse dans la Vallée de Joux, l'animateur de la résistance dans cette zone frontalière, le protecteur des fugitifs traqués. Il n'a été reconnu dans sa commune que bien après l'avoir été à Jérusalem.
Comment expliquer cette attitude?
Cela vient de ce que la Suisse est une très authentique démocratie et qu'elle n'aime pas trop les gens qui se distinguent. Cela a des avantages, mais aussi des inconvénients. Elle a en effet la même attitude à l'égard de ses créateurs et de ses hommes de talent. C'est peut-être un peu dur, mais les Suisses de génie sont en général ou ignorés ou écartés ou inquiétés.
»Beaucoup de résistants dont je parle ont été oubliés, déconsidérés et parfois même maltraités, en raison notamment d'un attachement à une neutralité dogmatique, bureaucratique et archaïque, une neutralité qui n'a d'ailleurs plus vraiment de raison d'être actuellement.
Vous êtes sévère à l'égard de la neutralité.
Oui, je pense que les Suisses ont tort de s'entêter dans une histoire de neutralité qui est une ancienne création franco-autrichienne et qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. La chute du Mur de Berlin et la disparition de l'URSS l'ont vidée de toute signification.
La Suisse s'est-elle mal défendue dans l'affaire des fonds juifs?
Elle s'est extrêmement mal défendue. Cette affaire aurait pu être réglée beaucoup plus tôt et beaucoup mieux, sans calomnie et sans préjudice pour le peuple. La raison probable doit être recherchée dans le fait que ses dirigeants sont là pour coordonner, pour gérer, mais pas pour imprimer une politique. En cas de crise, ce système très libéral, qui est tout à fait louable en soi, montre ses faiblesses.
»La Suisse pratique un libéralisme anglo-saxon, mais un peu à la façon du XIXe siècle. Je crois qu'on ne peut la comprendre qu'en la comparant à l'Angleterre. Elle s'est comportée comme une île, alors qu'elle est un carrefour.
Comment voyez-vous son avenir?
La Suisse a eu sa période de réussite grâce aux conflits permanents sur le continent européen. C'est la division de l'Europe qui lui a donné sa position spéciale. Elle s'est découvert des devoirs, a idéalisé cette situation qui est d'ordre géographique, idéalisation qui a donné naissance à la Croix-Rouge et à la Société des Nations.
»La réconciliation générale de l'Europe fait qu'elle n'a plus rien à proposer, à moins qu'elle n'apporte et vulgarise ce fédéralisme qui manque singulièrement à l'Union européenne. Mais pour cela, il faut qu'en se tournant vers l'Europe elle soit elle-même.
Propos recueillis par Marie-Jeanne Krill
A lire: «Une autre Suisse, 1940-1944. Un bastion contre l'Allemagne nazie», Jean-Pierre Richardot, Labor et Fides/Editions du Félin, 2002
1939-1945 - La Suisse n'était pas si méchante...
Une opinion avisée venant des Etats-Unis
Parallèlement à la publication du flot de rapports partiaux de la Commission Bergier sur la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, les éditions Slatkine sortent à point nommé une étude qu’aucun citoyen attentif ne devrait ignorer. En effet, son auteur, citoyen américain et professeur en relations internationales à l’Université de Boston, ancien officier de la U.S. Navy, ancien Conseiller en matière de politique étrangère au sénat américain, membre du Sénat Select Committee on Intelligence, nous offre un regard extérieur objectif qui est absent des rapports des «historiens» de la Commission Bergier, dont une partie sont très jeunes. Pour Codevilla, fin connaisseur des affaires intérieures américaines, il est évident que la Suisse a été la victime d’une campagne et que cette campagne avait peu de choses à voir avec la morale, l’attachement à la vérité historique et la réparation d’injustices.
L’auteur montre de manière détaillée qu’il s’agissait plutôt de gros sous, de chantage et du désir pour certains de se mettre en valeur. Le fait que cet ouvrage soit également un hommage rendu au modèle de démocratie directe de la Suisse, «sister republic» des Etats-Unis, confortera nos compatriotes et leur rappellera des évidences. Ils apprendront également que Codevilla est extrêmement inquiet pour la réputation de son propre pays dont la politique hégémonique méprise avec arrogance le droit international. Après le 11 septembre, cela acquiert une importance toute particulière. «Horizons et débats» reproduit ici des extraits de l’ouvrage. Les intertitres et les mises en évidence sont de la rédaction.
Une campagne orchestrée et leurs dirigeants
«Entre 1995 et 1999, une campagne de publicité orchestrée par l’administration Clinton, conjointement avec Edgar Bronfman, magnat des médias et de l’alcool, a caricaturé le rôle de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale, au point de donner une idée dangereusement fausse de la marche du monde aux personnes peu familiarisées avec les réalités de la guerre. Bronfman, le plus grand donateur du parti démocrate des Etats-Unis, président et financier du Congrès Juif Mondial, a usé de son formidable pouvoir pour persuader le président des Etats-Unis, le président du Senate Banking Commitee, un réseau de fonctionnaires locaux et nationaux, une armée de juristes et les médias de raconter une histoire ahurissante: de nouvelles découvertes auraient montré que la Suisse avait été, en fait, l’alliée de l’Allemagne nazie, que le peuple suisse partageait la responsabilité de l’Holocauste et que les banques suisses avaient volé les capitaux des juifs exterminés.» (p. 11–12)
Pas une seule donnée nouvelle
«A l’évidence, il n’y avait pas une seule donnée nouvelle dans cette explication. Mais Bronfman n’en réussit pas moins à convaincre deux des plus grandes banques suisses, qui ensemble réalisent quelque 4 milliards de dollars de profits annuels aux Etats-Unis, qu’elles ne pourraient plus poursuivre leurs activités à New York si elles ne mettaient pas d’importantes sommes d’argent à sa disposition.
Le 12 août 1998, lorsque ces banques acceptèrent de verser 1,25 milliard de dollars sur trois ans à l’organisation de monsieur Bronfman, l’opération de dénigrement s’interrompit brusquement, et l’on cessa bientôt de parler de l’attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale. Tant pis!»
Privatisation de la politique étrangère des Etats-Unis
«Cette campagne était significative en soi: une puissante organisation privée avait persuadé de hauts fonctionnaires américains, ainsi que le système juridique américain, qu’il fallait obliger des étrangers faisant affaire dans ce pays à verser un énorme pot-de-vins. Des agents du service public avaient servi des intérêts privés, sans qu’aucun corps législatif n’eût voté, sans qu’un représentant de l’exécutif n’eût pris une seule décision dont il pourrait avoir à répondre par la suite, sans qu’un tribunal n’eût rendu de jugement ou n’eût seulement déclaré recevables les témoignages ou les preuves. Nous avons là une illustration supplémentaire du fait que les Etats-Unis ne cessent de s’écarter du respect de la loi et d’une politique étrangère responsable.» (p. 11–12)
Un pseudo-événement
«Le terme qui définit le mieux la campagne anti-Suisse de 1995-1999 est ‹pseudo-événement›, forgé il y a une trentaine d’années par le bibliothécaire du Congrès, Daniel Boorstin, dans son monumental ouvrage The Image: A Guide to the Pseudo Event in America. Autrefois, écrivait Boorstin, on rapportait des événements qui s’étaient réellement produits. Aujourd’hui, les pseudo-événements n’existent que dans la mesure ou quelqu’un réussit à les rapporter. Le caractère artificiel de la controverse sur la prétendue infamie de la Suisse, récemment mise à jour, saute aux yeux, lorsqu’on se rend compte qu’elle ne comporte aucun élément d’information nouveau. En 1996, le Sénateur Alfons D’Amato (Républicain – NY), qui contribua par tous les moyens à répandre la rumeur, le reconnut à sa façon en disant que, bien que la question eût été étudiée de façon exhaustive depuis longtemps, elle était totalement nouvelle pour lui. Hélas, le passé est riche d’incertitudes pour ceux qui n’ont pas fait l’effort de les découvrir.
En fait, toutes les informations, si minimes soient-elles, à la charge ou à la décharge de la Suisse, avaient été archivées un demi-siècle plus tôt, après avoir été examinées sous toutes leurs coutures par les acteurs de cette partie de la guerre. En bref, les instigateurs de la campagne ressuscitaient des fragments d’une vielle histoire pour étayer des jugements diamétralement opposés à ceux des protagonistes de l’époque.» (p. 20)
Une leçon pour le peuple américain?
«Les leçons les moins importantes concernent la campagne anti-Suisse à proprement parler. Elles ont surtout trait à l’état de la politique américaine à la fin du XXe siècle. Seul fait tangible, en résumé: une coalition d’Américains puissants a orchestré une campagne nouvelle en se servant du pouvoir et du prestige du gouvernement des Etats-Unis pour faire main basse sur d’importantes sommes d’argent.» (p. 21–22)
La Suisse – un îlot de paix
«Ceux qui étaient chargés de mener la guerre économique contre les puissances de l’Axe ont depuis longtemps expliqué pourquoi les personnes responsables de la politique étrangère des Alliés ont traité la Suisse comme elles l’ont fait. En 1946, David L. Gordon et Royden Dangerfield ont écrit comment le ‹Bureau du Blocus, Ministère de l’Economie étrangère› du gouvernement américain, qu’ils avaient dirigé, avait fait pression sur les pays neutres pour qu’ils réduisent leurs activités économiques avec l’Axe et participent à l’effort de guerre des Alliés. La Suisse, disaient-ils, avait été considérée comme un cas à part du fait qu’elle était complètement encerclée. Aussi les responsables Alliés de la guerre économique l’autorisèrent-ils à commercer sur le plan mondial dans des proportions cinq fois plus élevées que les autres pays neutres en ce qui concerne les ‹matériaux de l’ennemi›. Quant à la question de savoir qui était du côté de qui, ils écrivaient: ‹La grande majorité des Suisses et des Suédois espéraient sans aucun doute que les Alliés l’emporteraient. Mais, contrairement aux Nazis, les Alliés ne menaçaient pas de les envahir. Aussi, jusqu’à ce que la victoire Alliée parût certaine et imminente, les Suédois comme les Suisses dévièrent-ils de la stricte neutralité en faveur de l’Allemagne. Ils cédaient à contre cœur, pouce par pouce, cherchant à gagner le plus de temps possible, et tirant profit de tous les prétextes à marchandage qui leur donnaient du champ pour manœuvrer – obligés finalement de céder. Cependant, ils luttaient avec obstination pour maintenir le contact avec les Alliés. […] Ils restèrent ainsi de petits îlots de paix et de prospérité relative dans un continent réduit en esclavage et assiégé.›» (p. 30–31)
Eizenstat perd toute crédibilité
«Dans sa préface à leur ouvrage The Hidden Weapon, Thomas K. Finletter, qui fut l’adjoint spécial au secrétaire d’Etat E.R. Stettinius Jr. ainsi que le confident de Franklin Roosevelt, écrit que Gordon, Dangerfield et leur Division du Blocus avait admirablement géré la politique du gouvernement.
Sur quelles bases le rapport Eizenstat se permet-il de contester ces conclusions? En fait, le rapport n’essaie même pas d’expliquer en quoi Churchill, Roosevelt, Stettinius ou les belligérants économiques de l’Amérique avaient tort – et par conséquent perd toute crédibilité. Mais lorsqu’on a le pouvoir et le statut social, se soucie-t-on de crédibilité?» (p. 31–32)
La Suisse s’est trouvée entre le marteau et l’enclume
«Historiquement parlant, les pays neutres sont toujours soumis aux pressions des deux blocs de belligérants. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse s’est trouvée coincée entre deux blocus concentriques. Le blocus externe, imposé par les Alliés, limitait les échanges commerciaux à la fois vers la Suisse et en provenance de la Suisse, ceux-ci sachant pertinemment que les Allemands pouvaient faire pressions sur les Suisses pour exiger une partie des matières échangées. Le blocus interne, imposé par les Allemands, limitait les exportations suisses en direction des pays alliés, les produits manufacturés suisses pouvant eux aussi être utilisés avec profit par les Alliés. Pour intensifier la pression, l’Allemagne limita également les importations suisses de combustibles et de denrées alimentaires. En conséquence, les Suisses devaient solliciter l’autorisation des pays de l’Axe et des Alliés pour la moindre cargaison de marchandises, qui entrait sur son territoire ou en sortait. Cela signifiait que l’Axe et les Alliés devaient marchander entre eux, par le biais d’intermédiaires suisses.
Chacune des parties était consciente de la pression que l’autre exerçait sur les Suisses.»
La Suisse exploitée par les Alliés et les Nazis
«La totale transparence des compromis qui s’ensuivirent rend tout à fait dérisoires les affirmations de ceux qui prétendent, aujourd’hui, que des documents ‹secrets› viennent tout juste d’être découverts. Néanmoins, du fait que la guerre économique consistait à faire pression au quotidien sur l’ennemi, principalement en faisant pression sur les pays neutres, les Allemands se vengèrent des concessions que les Suisses accordèrent aux Alliés, tandis que ces derniers se vengèrent des concessions accordées par la Suisse aux Allemands. Les deux parties se rendaient compte qu’il valait mieux ne pas appliquer leurs décisions avec trop de rigidité, notamment dans le cas de la Suisse. Les deux parties comptaient sur elle pour s’occuper de leurs prisonniers de guerre. Les deux parties l’utilisaient comme boîte aux lettres et comme plaque tournante pour leurs services d’espionnage. Les Alliés laissèrent tacitement les Allemands se procurer certaines denrées par l’intermédiaire de la Suisse, tandis qu’eux-mêmes achetaient ouvertement en Suisse le seul produit industriel que l’Allemagne fabriquait mieux que quiconque: les yeux de verre.»
(p. 39–40)
L’importance de la démocratie directe
«Le 30 août 1939, la même session mixte du Parlement qui avait élu le général Guisan donna également les ‹pleins pouvoirs› au Conseil fédéral pour la durée de la guerre. Le Parlement nomma un comité représentatif (socialistes compris) pour superviser l’exercice des ‹pleins pouvoirs› du Conseil fédéral. Les représentants du peuple eurent bientôt la surprise de constater que les membres de ce comité prisaient à tel point leurs privilèges qu’ils refusaient de communiquer certaines informations à leurs collègues du Parlement, désormais réduits au rôle de spectateurs mal renseignés. Non sans raison, les membres du Parlement, comme les citoyens, ne tardèrent pas à devenir méfiants.» (p.105)
En fin de compte, la politique du Conseil fédéral à l’égard des réfugiés n’aurait pu survivre à un débat au sein du Parlement. Les choses étant ce qu’elles étaient, les principes mensongers ne pouvaient qu’être démentis par la réalité sanglante. Même cela n’était pas suffisant. Ce furent finalement la désobéissance civile et la perspective de troubles plus graves, auxquels s’ajoutèrent l’érosion de l’influence de certaines éminences grises, qui ébranlèrent le Conseil fédéral. Celui-ci s’en serait certainement mieux sorti sans les ‹pleins pouvoirs›». (p.123–124)
Le peuple a une meilleure compréhension des événements que ses dirigeants
«La démocratie présente également l’avantage de mettre en œuvre des politiques plus réfléchis que celles choisis par les dirigeants seuls. L’expérience de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale démontre que le peuple, dans son ensemble, a une meilleure compréhension des événements que ses dirigeants. Cela ne signifie pas que les simples citoyens sont plus brillants intellectuellement que les élites: il ne s’agit pas d’intelligence. Il ne faut pas non plus confondre la ‹vox populi› avec la ‹vox Dei›, sous prétexte que plus les citoyens sont nombreux à décider, meilleure est la décision. Il y a dans l’histoire de nombreux cas où les nations ont pris des décisions désastreuses après en avoir longuement débattu. L’exemple le plus poignant est la décision suicidaire de l’assemblée de l’Athènes antique d’envahir la Sicile après avoir délibérément écarté tous les arguments les plus censés. Disons plutôt que le gouvernement démocratique ou la responsabilité des dirigeants devant leurs électeurs, ne fait que donner plus de chances aux meilleurs arguments d’être pris en considération au même titre que les pires.
En fait, et indépendamment du concept de démocratie, l’obligation de se conformer à des procédures formelles dans les prises de décisions contraint les dirigeants à justifier leurs décisions devant les autres et a fortiori devant eux-mêmes. Ils sont tenus d’exposer leurs stratégies en termes clairs, et savent qu’ils devront en assumer les conséquences.
Le gouvernement suisse, nous l’avons constaté, aurait sans doute évité certaines erreurs relatives à la politique des réfugiés et à la liberté de la presse si les décisions avaient été prises dans le cadre d’un processus politique normal, voire d’un référendum. La volonté politique de résister à l’Allemagne nazie et de réaffirmer les ancestrales valeurs helvétiques des droits de l’homme était plus vivace dans le peuple que dans les élites.» (p. 231–232)
L’échec des Alliés dans la question des réfugiés
La Suisse a recueilli plus de réfugiés que les Etats-Unis
«Tel un canot sauvetage lors d’un naufrage, la Suisse attira toutes sortes de réfugiés. Lorsque son Conseiller fédéral, détenteur du ministère de justice et police déclara, en 1942 que le ‹bateau de sauvetage était plein›, la Suisse, pays de 4 millions d’habitants, comptait déjà 80000 réfugiés. A la fin de la guerre, ce nombre était passé à 300000, dont 20000 Juifs, ces derniers représentant un demi pour cent de la population suisse. Proportionnellement, cela faisait cinq fois plus de réfugiés juifs que les Etats-Unis n’en accueillirent.» (p. 36–37)
La politique des réfugiés aujourd’hui: aux Etats-Unis et dans l’UE
«On aurait pu espérer que, tirant les leçons de la Deuxième Guerre mondiale, les gouvernements en viendraient à considérer les réfugiés sous un autre angle. En 1994 pourtant, les Etats-Unis entreprirent de renvoyer les réfugiés cubains à Fidel Castro sous prétexte qu’ils n’étaient que des ‹réfugiés économiques›, mettant ainsi définitivement fin à leur image de refuge pour les opprimés de la tyrannie communiste. Dans l’Union Européenne de l’an 2000, les politiciens de Grande-Bretagne et d’Espagne rivalisent entre eux pour limiter le nombre d’étrangers en quête de vie meilleure ou désireux d’échapper aux dictatures.» (p. 114)
De l’honteuse conférence d’Evian…
«Les autorités suisses furent ravies lorsque le président Franklin Roosevelt proposa d’organiser une conférence réunissant trente-deux pays afin de trouver des lieux d’accueil pour les Juifs en exode. La conférence s’ouvrit à Evian le 9 juillet 1938. La Suisse représentée par Rothmund, proposa de servir de relais. Mais aucun pays, même les Etats-Unis, n’accepta d’accueillir un nombre important de réfugiés.
Un problème particulier se posait à la Suisse, car elle était presque seule au monde à ne pas demander de visas aux frontières. Sa réputation de refuge attirait une proportion de plus en plus importante de réfugiés. Rien qu’en juillet et août 1938, 4600 Juifs entrèrent dans le pays sans pouvoir justifier d’une entrée ‹en transit›. En 1938 il n’était que trop facile d’utiliser ces chiffres à des fins d’Überfremdung. Les officiels suisses cherchèrent donc à limiter le droit d’entrée à ceux qui pouvaient prouver qu’ils ne feraient que transiter par la Suisse et aux seuls retraités nantis, qui étaient en mesure d’assurer leur subsistance sans chercher du travail sur le territoire de Confédération.» (p. 115-116)
…à l’honteuse conférence des Bermudes
«Les autorités helvétiques redoublèrent d’efforts pour demander aux Alliés [1942 n.d.r.] d’accueillir l’énorme flot de réfugiés juifs qui tapaient à la porte de la Suisse. Force est de constater que, pas plus lors de la conférence des Bermudes, en 1943, que lors de celle d’Evian, en 1938, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne n’acceptèrent de faire quoi que ce soit pour atténuer les souffrances des Juifs, même pas de bombarder les voies ferroviaires conduisant aux camps de la mort, allant jusqu’à éviter de dire que les Juifs étaient les principales victimes du nazisme (après la conférence, la Grande-Bretagne autorisa – à condition que la Croix-Rouge suisse soit en mesure d’organiser l’opération – 4500 enfants juifs et cinq cents tuteurs adultes à immigrer en Palestine). De nombreux Juifs européens – environ 350000, dont certains avaient d’abord fui vers la Suisse – se réfugièrent en Espagne et au Portugal.» (p. 120)
CJM, Bronfman
et l’Etat d’Israël
CJM n’est pas un agent d’Israël
«En ce qui concerne la campagne anti-suisse, et contrairement à ses affirmations, le Congrès Juif Mondial ne représentait pas l’Etat d’Israël. Interrogés par l’auteur de cet ouvrage, de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires Etrangères à Jérusalem, qui souhaitaient conserver l’anonymat ont déclaré qu’Israël ne pensait pas que la Suisse avait collaboré avec les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, que l’Etat d’Israël n’approuvait pas la campagne du Congrès Juif Mondial et qu’il tenait à s’en démarquer le plus possible. Israël, disaient ces hauts fonctionnaires, entretenait avec la Suisse des relations meilleures qu’avec tout autre pays européen. Les rapports étaient particulièrement étroits entre les forces armées des deux pays du fait qu’elles sont les seules au monde dont les effectifs de milice sont constitués essentiellement de réservistes. Israël ne ferait rien qui soit susceptible de compromettre ces relations.» (p. 188–189)
Bronfman: principaux bailleurs de fonds du Parti démocrate
«Le pouvoir de Bronfman résidait dans ses relations haut placées au sein du parti démocrate, dont il était l’un des principaux bailleurs de fonds tant à New York, en Californie, que sur l’ensemble du territoire national.
Une donation de 1261700 dollars – à titre personnel et au nom de sa société – pour la campagne Clinton-Gore en 1995–1996, donne une idée de l’étendue de ce pouvoir. D’un bout à l’autre du pays, de nombreux fonctionnaires démocrates savaient que plaire à Bronfman était synonyme d’argent et de faveurs en provenance de Washington. Comme le laisse entendre l’allusion à Bill Clinton contenue dans le rapport Eizenstat, c’est le Président en personne qui donna ordre au sous-secrétaire d’Etat Stuart Eizenstat de mettre les ressources du département d’Etat au service des démarches de Bronfman en vue de faire payer les Suisses. Des membres du comité directeur du parti démocrate, comme l’administrateur de la ville de New York, Alan Hevesi, ou le sous-gouverneur de l’Etat de Californie, Grays Davis, n’eurent guère besoin d’être encouragés pour apporter eux aussi leur aide à Bronfman.» (p. 190)
Bronfman et D’Amato
«L’argent de Bronfman sut parfois aussi séduire les républicains. Pour sa campagne anti-Suisse, Bronfman réussit à recruter Alfonse d’Amato, alors sénateur républicain new-yorkais et président du Senate Banking Commitee. D’Amato avait déjà la réputation d’être très dévoué à ses électeurs; surnommé le ‹Senator Pthole› (Sénateur mère-poule), il envoyait ses subordonnés en ‹pork patrols› afin d’obtenir le maximum d’avantages possible pour ses électeurs. […] De tous les politiciens impliqués dans la campagne de Bronfman contre la Suisse, D’Amato est peut-être le seul qui ait réellement pris au sérieux toutes les accusations portées à l’encontre de la Confédération.» (p. 190–191)
Le système classique de l’intimidation: le recours collectif en justice
«Quand Bronfman approcha les banquiers et les dirigeants suisses, il avait de bonnes raisons de croire qu’une campagne médiatique et la pression de l’administration Clinton suffiraient à faire cracher plusieurs milliards de dollars au gouvernement suisse. Mais il se rendit vite compte que ces armes, malgré leur poids, ne pourraient à elles seules forcer les Suisses à payer. Aussi, dès 1996, Bronfman fit appel au système américain classique – et lucratif – d’intimidation, le recours collectif en justice.» (p. 191)
Conclusion: L’exploitation du plus faible par le plus fort
«Certes, en soutenant la campagne du Congrès Juif Mondial pour soutirer de l’argent aux gouvernements et aux entreprises d’Europe, au nom des victimes de l’Holocauste, le président Clinton a aidé les électeurs et les donateurs de son parti à s’emparer de milliards de francs et de marks. Mais pour le reste, cette campagne n’a généré que des retombées négatives pour les Etats-Unis dans leur ensemble. Il n’a pas échappé aux Européens que le gouvernement américain a joué le rôle de collecteur de fonds pour un groupe de pression d’intérêt privé. Si les Européens saisissent certainement mieux que la plupart des Américains ce que signifie l’exploitation du plus faible par le plus fort, et l’utilisation de la politique étrangère pour garnir les poches des électeurs locaux, ils n’acceptent pas qu’une Amérique qui se targue de moralité puisse cautionner de tels agissement. La campagne anti-Suisse a eu pour effet de rallier la grande majorité des Suisses et un nombre sans cesse croissant d’Allemands et d’Européens à la conviction française que l’Amérique est parvenue à un degré d’arrogance intolérable et qu’elle mérite de recevoir une bonne leçon et d’être remis à sa place.
A quand notre tour d’être rançonnés par des groupes de pression américains, soutenus par le gouvernement des Etats-Unis, se sont demandés les pays européens? Cette atmosphère a envenimé les vieux conflits sur les échanges commerciaux et la politique étrangère, avec, pour résultat, un mélange de rancœur et de mépris.» (p. 223–224)
L’image du système juridique américain a été terni
«En conclusion, quel qu’ait été l’intérêt de l’administration Clinton à soutenir les revendications de ses électeurs victimes ou apparentés aux victimes de l’Holocauste, il ne fait aucun doute que ce soutien a terni l’image du système juridique américain et a conduit à un fiasco en termes de politique étrangère. Pis encore, l’attitude du gouvernement a donné aux Américains qui lui ont emboîté le pas sans discernement une vision totalement fausse des affaires internationales.» (p. 224)
Angelo M. Codevilla: La Suisse, la guerre, les fonds en déshérence et la politique américaine.
Genève 2001. ISBN 2-05-101876-6
La publication originale est parue en 2000 chez l’éditeur Regnery Publishing inc., Washington DC: Between the Alps and a Hard Place
Une opinion avisée venant des Etats-Unis
Parallèlement à la publication du flot de rapports partiaux de la Commission Bergier sur la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, les éditions Slatkine sortent à point nommé une étude qu’aucun citoyen attentif ne devrait ignorer. En effet, son auteur, citoyen américain et professeur en relations internationales à l’Université de Boston, ancien officier de la U.S. Navy, ancien Conseiller en matière de politique étrangère au sénat américain, membre du Sénat Select Committee on Intelligence, nous offre un regard extérieur objectif qui est absent des rapports des «historiens» de la Commission Bergier, dont une partie sont très jeunes. Pour Codevilla, fin connaisseur des affaires intérieures américaines, il est évident que la Suisse a été la victime d’une campagne et que cette campagne avait peu de choses à voir avec la morale, l’attachement à la vérité historique et la réparation d’injustices.
L’auteur montre de manière détaillée qu’il s’agissait plutôt de gros sous, de chantage et du désir pour certains de se mettre en valeur. Le fait que cet ouvrage soit également un hommage rendu au modèle de démocratie directe de la Suisse, «sister republic» des Etats-Unis, confortera nos compatriotes et leur rappellera des évidences. Ils apprendront également que Codevilla est extrêmement inquiet pour la réputation de son propre pays dont la politique hégémonique méprise avec arrogance le droit international. Après le 11 septembre, cela acquiert une importance toute particulière. «Horizons et débats» reproduit ici des extraits de l’ouvrage. Les intertitres et les mises en évidence sont de la rédaction.
Une campagne orchestrée et leurs dirigeants
«Entre 1995 et 1999, une campagne de publicité orchestrée par l’administration Clinton, conjointement avec Edgar Bronfman, magnat des médias et de l’alcool, a caricaturé le rôle de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale, au point de donner une idée dangereusement fausse de la marche du monde aux personnes peu familiarisées avec les réalités de la guerre. Bronfman, le plus grand donateur du parti démocrate des Etats-Unis, président et financier du Congrès Juif Mondial, a usé de son formidable pouvoir pour persuader le président des Etats-Unis, le président du Senate Banking Commitee, un réseau de fonctionnaires locaux et nationaux, une armée de juristes et les médias de raconter une histoire ahurissante: de nouvelles découvertes auraient montré que la Suisse avait été, en fait, l’alliée de l’Allemagne nazie, que le peuple suisse partageait la responsabilité de l’Holocauste et que les banques suisses avaient volé les capitaux des juifs exterminés.» (p. 11–12)
Pas une seule donnée nouvelle
«A l’évidence, il n’y avait pas une seule donnée nouvelle dans cette explication. Mais Bronfman n’en réussit pas moins à convaincre deux des plus grandes banques suisses, qui ensemble réalisent quelque 4 milliards de dollars de profits annuels aux Etats-Unis, qu’elles ne pourraient plus poursuivre leurs activités à New York si elles ne mettaient pas d’importantes sommes d’argent à sa disposition.
Le 12 août 1998, lorsque ces banques acceptèrent de verser 1,25 milliard de dollars sur trois ans à l’organisation de monsieur Bronfman, l’opération de dénigrement s’interrompit brusquement, et l’on cessa bientôt de parler de l’attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale. Tant pis!»
Privatisation de la politique étrangère des Etats-Unis
«Cette campagne était significative en soi: une puissante organisation privée avait persuadé de hauts fonctionnaires américains, ainsi que le système juridique américain, qu’il fallait obliger des étrangers faisant affaire dans ce pays à verser un énorme pot-de-vins. Des agents du service public avaient servi des intérêts privés, sans qu’aucun corps législatif n’eût voté, sans qu’un représentant de l’exécutif n’eût pris une seule décision dont il pourrait avoir à répondre par la suite, sans qu’un tribunal n’eût rendu de jugement ou n’eût seulement déclaré recevables les témoignages ou les preuves. Nous avons là une illustration supplémentaire du fait que les Etats-Unis ne cessent de s’écarter du respect de la loi et d’une politique étrangère responsable.» (p. 11–12)
Un pseudo-événement
«Le terme qui définit le mieux la campagne anti-Suisse de 1995-1999 est ‹pseudo-événement›, forgé il y a une trentaine d’années par le bibliothécaire du Congrès, Daniel Boorstin, dans son monumental ouvrage The Image: A Guide to the Pseudo Event in America. Autrefois, écrivait Boorstin, on rapportait des événements qui s’étaient réellement produits. Aujourd’hui, les pseudo-événements n’existent que dans la mesure ou quelqu’un réussit à les rapporter. Le caractère artificiel de la controverse sur la prétendue infamie de la Suisse, récemment mise à jour, saute aux yeux, lorsqu’on se rend compte qu’elle ne comporte aucun élément d’information nouveau. En 1996, le Sénateur Alfons D’Amato (Républicain – NY), qui contribua par tous les moyens à répandre la rumeur, le reconnut à sa façon en disant que, bien que la question eût été étudiée de façon exhaustive depuis longtemps, elle était totalement nouvelle pour lui. Hélas, le passé est riche d’incertitudes pour ceux qui n’ont pas fait l’effort de les découvrir.
En fait, toutes les informations, si minimes soient-elles, à la charge ou à la décharge de la Suisse, avaient été archivées un demi-siècle plus tôt, après avoir été examinées sous toutes leurs coutures par les acteurs de cette partie de la guerre. En bref, les instigateurs de la campagne ressuscitaient des fragments d’une vielle histoire pour étayer des jugements diamétralement opposés à ceux des protagonistes de l’époque.» (p. 20)
Une leçon pour le peuple américain?
«Les leçons les moins importantes concernent la campagne anti-Suisse à proprement parler. Elles ont surtout trait à l’état de la politique américaine à la fin du XXe siècle. Seul fait tangible, en résumé: une coalition d’Américains puissants a orchestré une campagne nouvelle en se servant du pouvoir et du prestige du gouvernement des Etats-Unis pour faire main basse sur d’importantes sommes d’argent.» (p. 21–22)
La Suisse – un îlot de paix
«Ceux qui étaient chargés de mener la guerre économique contre les puissances de l’Axe ont depuis longtemps expliqué pourquoi les personnes responsables de la politique étrangère des Alliés ont traité la Suisse comme elles l’ont fait. En 1946, David L. Gordon et Royden Dangerfield ont écrit comment le ‹Bureau du Blocus, Ministère de l’Economie étrangère› du gouvernement américain, qu’ils avaient dirigé, avait fait pression sur les pays neutres pour qu’ils réduisent leurs activités économiques avec l’Axe et participent à l’effort de guerre des Alliés. La Suisse, disaient-ils, avait été considérée comme un cas à part du fait qu’elle était complètement encerclée. Aussi les responsables Alliés de la guerre économique l’autorisèrent-ils à commercer sur le plan mondial dans des proportions cinq fois plus élevées que les autres pays neutres en ce qui concerne les ‹matériaux de l’ennemi›. Quant à la question de savoir qui était du côté de qui, ils écrivaient: ‹La grande majorité des Suisses et des Suédois espéraient sans aucun doute que les Alliés l’emporteraient. Mais, contrairement aux Nazis, les Alliés ne menaçaient pas de les envahir. Aussi, jusqu’à ce que la victoire Alliée parût certaine et imminente, les Suédois comme les Suisses dévièrent-ils de la stricte neutralité en faveur de l’Allemagne. Ils cédaient à contre cœur, pouce par pouce, cherchant à gagner le plus de temps possible, et tirant profit de tous les prétextes à marchandage qui leur donnaient du champ pour manœuvrer – obligés finalement de céder. Cependant, ils luttaient avec obstination pour maintenir le contact avec les Alliés. […] Ils restèrent ainsi de petits îlots de paix et de prospérité relative dans un continent réduit en esclavage et assiégé.›» (p. 30–31)
Eizenstat perd toute crédibilité
«Dans sa préface à leur ouvrage The Hidden Weapon, Thomas K. Finletter, qui fut l’adjoint spécial au secrétaire d’Etat E.R. Stettinius Jr. ainsi que le confident de Franklin Roosevelt, écrit que Gordon, Dangerfield et leur Division du Blocus avait admirablement géré la politique du gouvernement.
Sur quelles bases le rapport Eizenstat se permet-il de contester ces conclusions? En fait, le rapport n’essaie même pas d’expliquer en quoi Churchill, Roosevelt, Stettinius ou les belligérants économiques de l’Amérique avaient tort – et par conséquent perd toute crédibilité. Mais lorsqu’on a le pouvoir et le statut social, se soucie-t-on de crédibilité?» (p. 31–32)
La Suisse s’est trouvée entre le marteau et l’enclume
«Historiquement parlant, les pays neutres sont toujours soumis aux pressions des deux blocs de belligérants. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la Suisse s’est trouvée coincée entre deux blocus concentriques. Le blocus externe, imposé par les Alliés, limitait les échanges commerciaux à la fois vers la Suisse et en provenance de la Suisse, ceux-ci sachant pertinemment que les Allemands pouvaient faire pressions sur les Suisses pour exiger une partie des matières échangées. Le blocus interne, imposé par les Allemands, limitait les exportations suisses en direction des pays alliés, les produits manufacturés suisses pouvant eux aussi être utilisés avec profit par les Alliés. Pour intensifier la pression, l’Allemagne limita également les importations suisses de combustibles et de denrées alimentaires. En conséquence, les Suisses devaient solliciter l’autorisation des pays de l’Axe et des Alliés pour la moindre cargaison de marchandises, qui entrait sur son territoire ou en sortait. Cela signifiait que l’Axe et les Alliés devaient marchander entre eux, par le biais d’intermédiaires suisses.
Chacune des parties était consciente de la pression que l’autre exerçait sur les Suisses.»
La Suisse exploitée par les Alliés et les Nazis
«La totale transparence des compromis qui s’ensuivirent rend tout à fait dérisoires les affirmations de ceux qui prétendent, aujourd’hui, que des documents ‹secrets› viennent tout juste d’être découverts. Néanmoins, du fait que la guerre économique consistait à faire pression au quotidien sur l’ennemi, principalement en faisant pression sur les pays neutres, les Allemands se vengèrent des concessions que les Suisses accordèrent aux Alliés, tandis que ces derniers se vengèrent des concessions accordées par la Suisse aux Allemands. Les deux parties se rendaient compte qu’il valait mieux ne pas appliquer leurs décisions avec trop de rigidité, notamment dans le cas de la Suisse. Les deux parties comptaient sur elle pour s’occuper de leurs prisonniers de guerre. Les deux parties l’utilisaient comme boîte aux lettres et comme plaque tournante pour leurs services d’espionnage. Les Alliés laissèrent tacitement les Allemands se procurer certaines denrées par l’intermédiaire de la Suisse, tandis qu’eux-mêmes achetaient ouvertement en Suisse le seul produit industriel que l’Allemagne fabriquait mieux que quiconque: les yeux de verre.»
(p. 39–40)
L’importance de la démocratie directe
«Le 30 août 1939, la même session mixte du Parlement qui avait élu le général Guisan donna également les ‹pleins pouvoirs› au Conseil fédéral pour la durée de la guerre. Le Parlement nomma un comité représentatif (socialistes compris) pour superviser l’exercice des ‹pleins pouvoirs› du Conseil fédéral. Les représentants du peuple eurent bientôt la surprise de constater que les membres de ce comité prisaient à tel point leurs privilèges qu’ils refusaient de communiquer certaines informations à leurs collègues du Parlement, désormais réduits au rôle de spectateurs mal renseignés. Non sans raison, les membres du Parlement, comme les citoyens, ne tardèrent pas à devenir méfiants.» (p.105)
En fin de compte, la politique du Conseil fédéral à l’égard des réfugiés n’aurait pu survivre à un débat au sein du Parlement. Les choses étant ce qu’elles étaient, les principes mensongers ne pouvaient qu’être démentis par la réalité sanglante. Même cela n’était pas suffisant. Ce furent finalement la désobéissance civile et la perspective de troubles plus graves, auxquels s’ajoutèrent l’érosion de l’influence de certaines éminences grises, qui ébranlèrent le Conseil fédéral. Celui-ci s’en serait certainement mieux sorti sans les ‹pleins pouvoirs›». (p.123–124)
Le peuple a une meilleure compréhension des événements que ses dirigeants
«La démocratie présente également l’avantage de mettre en œuvre des politiques plus réfléchis que celles choisis par les dirigeants seuls. L’expérience de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale démontre que le peuple, dans son ensemble, a une meilleure compréhension des événements que ses dirigeants. Cela ne signifie pas que les simples citoyens sont plus brillants intellectuellement que les élites: il ne s’agit pas d’intelligence. Il ne faut pas non plus confondre la ‹vox populi› avec la ‹vox Dei›, sous prétexte que plus les citoyens sont nombreux à décider, meilleure est la décision. Il y a dans l’histoire de nombreux cas où les nations ont pris des décisions désastreuses après en avoir longuement débattu. L’exemple le plus poignant est la décision suicidaire de l’assemblée de l’Athènes antique d’envahir la Sicile après avoir délibérément écarté tous les arguments les plus censés. Disons plutôt que le gouvernement démocratique ou la responsabilité des dirigeants devant leurs électeurs, ne fait que donner plus de chances aux meilleurs arguments d’être pris en considération au même titre que les pires.
En fait, et indépendamment du concept de démocratie, l’obligation de se conformer à des procédures formelles dans les prises de décisions contraint les dirigeants à justifier leurs décisions devant les autres et a fortiori devant eux-mêmes. Ils sont tenus d’exposer leurs stratégies en termes clairs, et savent qu’ils devront en assumer les conséquences.
Le gouvernement suisse, nous l’avons constaté, aurait sans doute évité certaines erreurs relatives à la politique des réfugiés et à la liberté de la presse si les décisions avaient été prises dans le cadre d’un processus politique normal, voire d’un référendum. La volonté politique de résister à l’Allemagne nazie et de réaffirmer les ancestrales valeurs helvétiques des droits de l’homme était plus vivace dans le peuple que dans les élites.» (p. 231–232)
L’échec des Alliés dans la question des réfugiés
La Suisse a recueilli plus de réfugiés que les Etats-Unis
«Tel un canot sauvetage lors d’un naufrage, la Suisse attira toutes sortes de réfugiés. Lorsque son Conseiller fédéral, détenteur du ministère de justice et police déclara, en 1942 que le ‹bateau de sauvetage était plein›, la Suisse, pays de 4 millions d’habitants, comptait déjà 80000 réfugiés. A la fin de la guerre, ce nombre était passé à 300000, dont 20000 Juifs, ces derniers représentant un demi pour cent de la population suisse. Proportionnellement, cela faisait cinq fois plus de réfugiés juifs que les Etats-Unis n’en accueillirent.» (p. 36–37)
La politique des réfugiés aujourd’hui: aux Etats-Unis et dans l’UE
«On aurait pu espérer que, tirant les leçons de la Deuxième Guerre mondiale, les gouvernements en viendraient à considérer les réfugiés sous un autre angle. En 1994 pourtant, les Etats-Unis entreprirent de renvoyer les réfugiés cubains à Fidel Castro sous prétexte qu’ils n’étaient que des ‹réfugiés économiques›, mettant ainsi définitivement fin à leur image de refuge pour les opprimés de la tyrannie communiste. Dans l’Union Européenne de l’an 2000, les politiciens de Grande-Bretagne et d’Espagne rivalisent entre eux pour limiter le nombre d’étrangers en quête de vie meilleure ou désireux d’échapper aux dictatures.» (p. 114)
De l’honteuse conférence d’Evian…
«Les autorités suisses furent ravies lorsque le président Franklin Roosevelt proposa d’organiser une conférence réunissant trente-deux pays afin de trouver des lieux d’accueil pour les Juifs en exode. La conférence s’ouvrit à Evian le 9 juillet 1938. La Suisse représentée par Rothmund, proposa de servir de relais. Mais aucun pays, même les Etats-Unis, n’accepta d’accueillir un nombre important de réfugiés.
Un problème particulier se posait à la Suisse, car elle était presque seule au monde à ne pas demander de visas aux frontières. Sa réputation de refuge attirait une proportion de plus en plus importante de réfugiés. Rien qu’en juillet et août 1938, 4600 Juifs entrèrent dans le pays sans pouvoir justifier d’une entrée ‹en transit›. En 1938 il n’était que trop facile d’utiliser ces chiffres à des fins d’Überfremdung. Les officiels suisses cherchèrent donc à limiter le droit d’entrée à ceux qui pouvaient prouver qu’ils ne feraient que transiter par la Suisse et aux seuls retraités nantis, qui étaient en mesure d’assurer leur subsistance sans chercher du travail sur le territoire de Confédération.» (p. 115-116)
…à l’honteuse conférence des Bermudes
«Les autorités helvétiques redoublèrent d’efforts pour demander aux Alliés [1942 n.d.r.] d’accueillir l’énorme flot de réfugiés juifs qui tapaient à la porte de la Suisse. Force est de constater que, pas plus lors de la conférence des Bermudes, en 1943, que lors de celle d’Evian, en 1938, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne n’acceptèrent de faire quoi que ce soit pour atténuer les souffrances des Juifs, même pas de bombarder les voies ferroviaires conduisant aux camps de la mort, allant jusqu’à éviter de dire que les Juifs étaient les principales victimes du nazisme (après la conférence, la Grande-Bretagne autorisa – à condition que la Croix-Rouge suisse soit en mesure d’organiser l’opération – 4500 enfants juifs et cinq cents tuteurs adultes à immigrer en Palestine). De nombreux Juifs européens – environ 350000, dont certains avaient d’abord fui vers la Suisse – se réfugièrent en Espagne et au Portugal.» (p. 120)
CJM, Bronfman
et l’Etat d’Israël
CJM n’est pas un agent d’Israël
«En ce qui concerne la campagne anti-suisse, et contrairement à ses affirmations, le Congrès Juif Mondial ne représentait pas l’Etat d’Israël. Interrogés par l’auteur de cet ouvrage, de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires Etrangères à Jérusalem, qui souhaitaient conserver l’anonymat ont déclaré qu’Israël ne pensait pas que la Suisse avait collaboré avec les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, que l’Etat d’Israël n’approuvait pas la campagne du Congrès Juif Mondial et qu’il tenait à s’en démarquer le plus possible. Israël, disaient ces hauts fonctionnaires, entretenait avec la Suisse des relations meilleures qu’avec tout autre pays européen. Les rapports étaient particulièrement étroits entre les forces armées des deux pays du fait qu’elles sont les seules au monde dont les effectifs de milice sont constitués essentiellement de réservistes. Israël ne ferait rien qui soit susceptible de compromettre ces relations.» (p. 188–189)
Bronfman: principaux bailleurs de fonds du Parti démocrate
«Le pouvoir de Bronfman résidait dans ses relations haut placées au sein du parti démocrate, dont il était l’un des principaux bailleurs de fonds tant à New York, en Californie, que sur l’ensemble du territoire national.
Une donation de 1261700 dollars – à titre personnel et au nom de sa société – pour la campagne Clinton-Gore en 1995–1996, donne une idée de l’étendue de ce pouvoir. D’un bout à l’autre du pays, de nombreux fonctionnaires démocrates savaient que plaire à Bronfman était synonyme d’argent et de faveurs en provenance de Washington. Comme le laisse entendre l’allusion à Bill Clinton contenue dans le rapport Eizenstat, c’est le Président en personne qui donna ordre au sous-secrétaire d’Etat Stuart Eizenstat de mettre les ressources du département d’Etat au service des démarches de Bronfman en vue de faire payer les Suisses. Des membres du comité directeur du parti démocrate, comme l’administrateur de la ville de New York, Alan Hevesi, ou le sous-gouverneur de l’Etat de Californie, Grays Davis, n’eurent guère besoin d’être encouragés pour apporter eux aussi leur aide à Bronfman.» (p. 190)
Bronfman et D’Amato
«L’argent de Bronfman sut parfois aussi séduire les républicains. Pour sa campagne anti-Suisse, Bronfman réussit à recruter Alfonse d’Amato, alors sénateur républicain new-yorkais et président du Senate Banking Commitee. D’Amato avait déjà la réputation d’être très dévoué à ses électeurs; surnommé le ‹Senator Pthole› (Sénateur mère-poule), il envoyait ses subordonnés en ‹pork patrols› afin d’obtenir le maximum d’avantages possible pour ses électeurs. […] De tous les politiciens impliqués dans la campagne de Bronfman contre la Suisse, D’Amato est peut-être le seul qui ait réellement pris au sérieux toutes les accusations portées à l’encontre de la Confédération.» (p. 190–191)
Le système classique de l’intimidation: le recours collectif en justice
«Quand Bronfman approcha les banquiers et les dirigeants suisses, il avait de bonnes raisons de croire qu’une campagne médiatique et la pression de l’administration Clinton suffiraient à faire cracher plusieurs milliards de dollars au gouvernement suisse. Mais il se rendit vite compte que ces armes, malgré leur poids, ne pourraient à elles seules forcer les Suisses à payer. Aussi, dès 1996, Bronfman fit appel au système américain classique – et lucratif – d’intimidation, le recours collectif en justice.» (p. 191)
Conclusion: L’exploitation du plus faible par le plus fort
«Certes, en soutenant la campagne du Congrès Juif Mondial pour soutirer de l’argent aux gouvernements et aux entreprises d’Europe, au nom des victimes de l’Holocauste, le président Clinton a aidé les électeurs et les donateurs de son parti à s’emparer de milliards de francs et de marks. Mais pour le reste, cette campagne n’a généré que des retombées négatives pour les Etats-Unis dans leur ensemble. Il n’a pas échappé aux Européens que le gouvernement américain a joué le rôle de collecteur de fonds pour un groupe de pression d’intérêt privé. Si les Européens saisissent certainement mieux que la plupart des Américains ce que signifie l’exploitation du plus faible par le plus fort, et l’utilisation de la politique étrangère pour garnir les poches des électeurs locaux, ils n’acceptent pas qu’une Amérique qui se targue de moralité puisse cautionner de tels agissement. La campagne anti-Suisse a eu pour effet de rallier la grande majorité des Suisses et un nombre sans cesse croissant d’Allemands et d’Européens à la conviction française que l’Amérique est parvenue à un degré d’arrogance intolérable et qu’elle mérite de recevoir une bonne leçon et d’être remis à sa place.
A quand notre tour d’être rançonnés par des groupes de pression américains, soutenus par le gouvernement des Etats-Unis, se sont demandés les pays européens? Cette atmosphère a envenimé les vieux conflits sur les échanges commerciaux et la politique étrangère, avec, pour résultat, un mélange de rancœur et de mépris.» (p. 223–224)
L’image du système juridique américain a été terni
«En conclusion, quel qu’ait été l’intérêt de l’administration Clinton à soutenir les revendications de ses électeurs victimes ou apparentés aux victimes de l’Holocauste, il ne fait aucun doute que ce soutien a terni l’image du système juridique américain et a conduit à un fiasco en termes de politique étrangère. Pis encore, l’attitude du gouvernement a donné aux Américains qui lui ont emboîté le pas sans discernement une vision totalement fausse des affaires internationales.» (p. 224)
Angelo M. Codevilla: La Suisse, la guerre, les fonds en déshérence et la politique américaine.
Genève 2001. ISBN 2-05-101876-6
La publication originale est parue en 2000 chez l’éditeur Regnery Publishing inc., Washington DC: Between the Alps and a Hard Place
Delamuraz dénonce une formidable volonté de déstabiliser la Suisse.
Quel a été le moment le plus difficile de votre année présidentielle ?
L’affaire des fonds juifs et de l’or nazi. Notre malaise est de venu des révélations, mais également pas très pures, qui en est à l’origine. Il convient d’éviter deux attitudes. La première, celle de la majesté offusquée, qui nous ferait dire que nous avons notre conscience et notre histoire pour nous. La deuxième serait d’implorer notre pardon, d’être accablé de la faute de nos prédécesseurs en plaidant coupable.
On a le sentiment que le Conseil fédéral a été pris de court.
Tout à fait. Des signes avant-coureurs existaient, mais ils ont été sous-estimés. On savait que certains sénateurs avec certains appuis consacraient plusieurs chercheurs depuis trois ans à cette recherche. Ce qui me surprend, c’est cette candeur helvétique avec laquelle nous prenons connaissance de ces attaques. Personne ne fait réellement la part des choses et ne semble voir qu’en plus de la recherche opiniâtre de la vérité historique, il y a aussi une formidable volonté politique de déstabilisation et de compromission de la Suisse. Elle a eu un relais à Washington et un à Londres, où il ne s’agissait de rien d’autre que démolir la place financière suisse. Comme président de la Confédération, je dis qu’il ne faut pas être dupes, qu’on recherché par tous les moyens de discréditer la place suisse. C’est une chose de dire la vérité et de le faire sans réserve. C’en est une autre chose de faire la part de l’intox.
Vous avez été surpris par le contenu des révélations ?
Par leur étendue, oui. Mais pourquoi ne dit-on rien sur le comportement des autres ? Les Alliés étaient partie prenante comme nous. A de rares exceptions près, on n’évoque pas les services qui ont été rendus au camp de la liberté par la Suisse. Il ne faut pas oublier non plus que la Suisse a été un refuge bienvenu pour les finances juives, acculées à ne plus exister. La reconnaissance est un peu courte sans doute. Ce que je redoute, ce sont les effets induits de cette opération. Même si elle aboutit favorablement, elle aura hélas des réactions négatives en Suisse, des réactions antisémites. Quand on entend à la radio romande une des membres de la commission d’historiens que nous avons nommée, responsable du musée de l’Holocauste, reprocher au Conseil fédéral de ne pas avoir préalablement consulté les milieux juifs américains, beaucoup de gens se demandent si nous sommes encore un pays souverain.
La création d’un fonds d’aide aux victimes de nazis pour désamorcer la crise, est-ce une bonne idée ?
Non, dans la phase actuelle, c’est un corps étranger. Il faut laisser encore passer un peu d’eau sous les ponts. Quand la mauvaise fois est au rendez-vous, il faut se méfier. Un tel fonds serait considéré comme un aveu de culpabilité. Le montant qui a été évoqué devant l’ambassadeur Borer était de 250 millions. Ca, ce n’est rien d’autre qu’une rançon et du chantage ! Maintenant, il s’agit d’élucider les faits, rapidement, et surtout clairement. J’espère que la partie adverse, si j’ose dire, voudra bien donner l’ensemble de son information car ce n’est pas une méthode de distiller des révélations tous les quinze jours. On peut attendre de M. D’Amato la même loyauté que celle dont nous sommes décidés à faire preuve.
Pensez-vous que la vérité se fera jour ?
Avec une commission bien composée comme la nôtre, avec son cahier des charges, on devra pouvoir mettre des réponses à côté des questions. J’attends des réponses uniquement factuelles. L’interprétation politique que la Suisse en donnera sera l’affaire du gouvernement.
Tribune de Genève du 31 décembre 1996 - Interview du journaliste Denis Barrelet
Quel a été le moment le plus difficile de votre année présidentielle ?
L’affaire des fonds juifs et de l’or nazi. Notre malaise est de venu des révélations, mais également pas très pures, qui en est à l’origine. Il convient d’éviter deux attitudes. La première, celle de la majesté offusquée, qui nous ferait dire que nous avons notre conscience et notre histoire pour nous. La deuxième serait d’implorer notre pardon, d’être accablé de la faute de nos prédécesseurs en plaidant coupable.
On a le sentiment que le Conseil fédéral a été pris de court.
Tout à fait. Des signes avant-coureurs existaient, mais ils ont été sous-estimés. On savait que certains sénateurs avec certains appuis consacraient plusieurs chercheurs depuis trois ans à cette recherche. Ce qui me surprend, c’est cette candeur helvétique avec laquelle nous prenons connaissance de ces attaques. Personne ne fait réellement la part des choses et ne semble voir qu’en plus de la recherche opiniâtre de la vérité historique, il y a aussi une formidable volonté politique de déstabilisation et de compromission de la Suisse. Elle a eu un relais à Washington et un à Londres, où il ne s’agissait de rien d’autre que démolir la place financière suisse. Comme président de la Confédération, je dis qu’il ne faut pas être dupes, qu’on recherché par tous les moyens de discréditer la place suisse. C’est une chose de dire la vérité et de le faire sans réserve. C’en est une autre chose de faire la part de l’intox.
Vous avez été surpris par le contenu des révélations ?
Par leur étendue, oui. Mais pourquoi ne dit-on rien sur le comportement des autres ? Les Alliés étaient partie prenante comme nous. A de rares exceptions près, on n’évoque pas les services qui ont été rendus au camp de la liberté par la Suisse. Il ne faut pas oublier non plus que la Suisse a été un refuge bienvenu pour les finances juives, acculées à ne plus exister. La reconnaissance est un peu courte sans doute. Ce que je redoute, ce sont les effets induits de cette opération. Même si elle aboutit favorablement, elle aura hélas des réactions négatives en Suisse, des réactions antisémites. Quand on entend à la radio romande une des membres de la commission d’historiens que nous avons nommée, responsable du musée de l’Holocauste, reprocher au Conseil fédéral de ne pas avoir préalablement consulté les milieux juifs américains, beaucoup de gens se demandent si nous sommes encore un pays souverain.
La création d’un fonds d’aide aux victimes de nazis pour désamorcer la crise, est-ce une bonne idée ?
Non, dans la phase actuelle, c’est un corps étranger. Il faut laisser encore passer un peu d’eau sous les ponts. Quand la mauvaise fois est au rendez-vous, il faut se méfier. Un tel fonds serait considéré comme un aveu de culpabilité. Le montant qui a été évoqué devant l’ambassadeur Borer était de 250 millions. Ca, ce n’est rien d’autre qu’une rançon et du chantage ! Maintenant, il s’agit d’élucider les faits, rapidement, et surtout clairement. J’espère que la partie adverse, si j’ose dire, voudra bien donner l’ensemble de son information car ce n’est pas une méthode de distiller des révélations tous les quinze jours. On peut attendre de M. D’Amato la même loyauté que celle dont nous sommes décidés à faire preuve.
Pensez-vous que la vérité se fera jour ?
Avec une commission bien composée comme la nôtre, avec son cahier des charges, on devra pouvoir mettre des réponses à côté des questions. J’attends des réponses uniquement factuelles. L’interprétation politique que la Suisse en donnera sera l’affaire du gouvernement.
Tribune de Genève du 31 décembre 1996 - Interview du journaliste Denis Barrelet